Étiquette : transition

  • L’État algérien ne va pas disparaître en trois mois (Thomas Serres)

    Propos recueillis par Léa Masseguin

    A travers les mobilisations pacifiques, la société algérienne a envoyé un message radical bien au-delà de l’Algérie et des pays du monde arabe, selon Thomas Serres, lecturer au département de politique à l’université de Californie, Santa Cruz, et chercheur associé à l’UMR développement et Sociétés. Il est l’auteur de l’ouvrage L’Algérie face à la catastrophe suspendue. Gérer la crise et blâmer le peuple sous Bouteflika (1999-2014), paru chez Karthala en mars 2019.

    Que signifie la démission d’Abdelaziz Bouteflika, après vingt ans à la tête du pays ?

    La démission de Bouteflika marque le second succès de la mobilisation populaire après l’annulation des élections présidentielles. Ce départ du pouvoir était l’un des objectifs initiaux des manifestants et marque une étape majeure dans le processus critique. La présidence de Bouteflika n’était plus tenable et la révolution n’a pas pu être ignorée.

    Le chef d’état-major de l’armée algérienne a demandé, le mardi 2 avril, que soit « appliquée immédiatement » la procédure constitutionnelle permettant d’écarter le président Bouteflika du pouvoir, précipitant le départ de ce dernier. Quelles sont actuellement les ambitions de l’armée ?

    En Algérie, l’armée a une légitimité historique. Elle possède une fonction immunitaire et tutélaire, qui relève à la fois de la défense de la nation et du contrôle du jeu politique. Elle a aussi une influence économique depuis l’indépendance. N’oublions pas que le budget militaire est très élevé, plus de 5% du PIB, sans être soumis au contrôle du Parlement. Dans le cas présent, l’objectif de l’intervention de l’armée était donc double. Il s’agit, certes, de mettre fin à la crise politique, mais également de protéger les intérêts de l’État-major, et notamment du chef d’État-Major, Ahmed Gaïd Salah, qui est complice de Bouteflika depuis sa nomination en 2004. L’implication de l’armée dans la crise actuelle n’est donc pas surprenante ; elle relève à la fois de la fonction historique de l’institution et de la défense des intérêts des hauts-gradés.

    Le président du Conseil de la nation algérien, Abdelkader Bensalah, doit organiser de nouvelles élections dans les 3 mois à venir. Une transition politique est-elle réalisable en si peu de temps ?

    Non. Si on parle d’un changement profond dans le fonctionnement des institutions et dans la nature des élites politiques, comme ce qui est exigé par les protestataires, une véritable révolution prend plusieurs années, voire des décennies. L’État ne va pas disparaître ou se reconfigurer totalement en trois mois. Cette temporalité de la transition politique que le régime essaye d’imposer est très problématique pour les opposants car il faut agir vite en écartant un certain nombre d’acteurs totalement discrédités, mais en négociant avec ceux qui tiennent toujours les institutions. Pour l’instant, rien n’a changé.

    Quelles sont aujourd’hui les alternatives à Bouteflika ?

    Si l’armée a un rôle très important en Algérie, il me semble impossible qu’elle s’empare du pouvoir. Par ailleurs, la population ne voudra pas de personnalités issues de la structure étatique actuelle, comme Ramtane Lamamra, Abdelkader Bensalah, ou Tayeb Belaiz. Des groupes au sein du régime et certains opposants appuient l’ancien président Liamine Zéroual, mais il reste un général à la retraite qui a dirigé le pays au plus fort de la guerre civile ; ceux que l’on appelle les réconciliateurs, c’est-à-dire les groupes opposés à la stratégie d’éradication étatique pendant la guerre civile, refuseront qu’il accède au pouvoir. Lui-même a d’ailleurs écarté cette hypothèse pour le moment. Du côté de l’opposition, aucune figure ne fait vraiment consensus au sein de la cinquantaine de partis algériens. Finalement, le nom qui ressort actuellement et qui est une réelle possibilité est celui de Mustapha Bouchachi, un homme de parole, militant des droits de l’homme et figure très respectée à Alger dont le parcours peut être comparé à celui de Moncef Marzouki, [président de la République tunisienne de 2011 à 2014].

    Que va-t-il advenir du camp de Bouteflika ?

    Les frères Bouteflika sont assignés à résidence, ce qui est un signe qu’ils auront probablement des comptes à rendre, surtout Saïd. Par ailleurs, les capitalistes pro-Bouteflika, soupçonnés de corruption, sont les cibles d’une offensive judiciaire massive, comme en attestent les interdictions de sortie de territoire visant notamment Mahieddine Tahkout ou Rédha Kouninef. Le développement le plus spectaculaire est le placement d’Ali Haddad sous mandat de dépôt et son transfert à la prison de El Harrach. Les membres du Front de libération nationale (FLN) et du Rassemblement national démocratique (RND) ne feront pas non plus partie du nouveau gouvernement. Ils incarnent l’incompétence et l’intéressement dénoncés par les manifestants. Toutefois, il faudra plus que l’embastillement de quelques affairistes et la mise à l’écart des partis du régime pour vraiment faire tomber le « système ». On n’a pas affaire à un processus de « dénazification » et il y aura quoi qu’il arrive une continuité de l’État. Les généraux, les préfets et les énarques continueront d’être des acteurs clés, même après les trois mois de transition.

    En réussissant à écarter Bouteflika du pouvoir en quelques semaines, quel message la société algérienne a-t-elle envoyé au reste du monde ?

    Les manifestants envoient un message radical au reste du monde. Ces mobilisations parlent bien au-delà de l’Algérie et des pays du monde arabe, y compris dans des pays qui se veulent « démocratiques » comme la France. La crise des régimes représentatifs trouvait en Algérie un exemple absolument caricatural : un simulacre de représentation au service de l’appareil étatique, d’affairistes et d’une clique hétérogène d’individus cooptés. En miroir, les manifestants ont tenu un discours réaffirmant le caractère indépassable de la souveraineté populaire, directe, et libérée du poids de la délégation quand les délégués n’en sont pas dignes. Grâce à l’autodiscipline de la population, sa démonstration de civisme radical et horizontal, la violence de l’État policier n’a jamais pu être justifiée. Tant dans le contenu que dans la forme, c’est une valeur d’exemple remarquable.

    Source : Les clés du Moyen Orient

    Tags : Algérie, Bouteflika, Article 102, transition,

  • Algérie : Jusqu’où ira Gaïd Salah ?

    Les messages politiques fondamentaux exprimés ce vendredi par la rue s’adressaient en substance à un seul homme : Gaïd Salah. Par la force des événements, le chef d’état-major focalise l’attention de tout un peuple à la recherche d’une rupture réelle.

    Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Gaïd Salah n’est ni adulé, ni acclamé, ni foncièrement rejeté ou décrié. Son nom ne figure ni parmi la liste des personnes appelées à être «jugées» pour avoir conduit le pays à l’impasse ni parmi ceux des héros dont les portraits sont portés par les manifestants. Dans les quatre coins du territoire national, les Algériens observent, attendent, et savent surtout ce qu’ils veulent.

    Unis autour d’un mot d’ordre principal «dégagez tous», ils n’ont pas laissé l’impatience des jeunes entraver un processus dans lequel le chef d’état-major a été amené à jouer le rôle central. Il affirme avoir su capter les messages de fraternité lancés par des millions de citoyens à l’ANP lorsque ces derniers sont descendus dans les rues réclamer l’annulation du cinquième mandat, la démission immédiate de Abdelaziz Bouteflika, et désigner les responsables du «pillage du pays».

    Alors que la tension atteignait son paroxysme, en raison de la résistance du président de la République et de sa détermination à conduire l’étape de transition à venir, Gaïd Salah entre en jeu de manière inattendue et se propose de répondre aux aspirations populaires en appliquant l’article 102. La première annonce qu’il en fait n’engendre pas de liesse au sein des foules. Les avis sont partagés : «ANP et peuple sont frères» et «Article 102, mais sans eux», scandent les manifestants le vendredi qui suit le premier discours fait à partir de Ouargla. Un grand scepticisme règne.

    Les Algériens sont surtout conscients qu’arracher Bouteflika de son siège présidentiel et chasser son clan n’est pas chose facile. Au cours des deux vendredis suivants, ils exigent «l’application de l’article 102, 7 et 8». La «souveraineté populaire» est un élément central, indiscutable. Le mouvement qui s’est mis en place le 22 février dernier s’est fixé le «changement» radical, fondamental comme objectif et entend mener la transition selon les règles qu’il s’est fixées.

    Dans le contexte actuel, sa soudaine arrivée sur la scène politique a poussé plusieurs acteurs politiques figurant dans l’opposition à émettre de sérieuses réserves essentiellement basées sur la crainte de voir le processus en cours se transformer en scénario à l’égyptienne. Comme tous, ils attendent aujourd’hui d’être fixés, puis, en quelque sorte, rassurés sur les intentions de Gaïd Salah.

    Chaque fait, ou terme prononcé est analysé, décortiqué. Pour l’heure, celui-ci répond par des engagements, qui se veulent aussi être des assurances, basés sur le strict respect des textes et laisse entendre que le scénario à l’égyptienne ne fait pas partie de ses intentions. Mais Gaïd Salah n’attire pas que des critiques. Au sein des sphères ayant gravité de longues années autour du clan présidentiel, des voix s’élèvent déjà pour chanter la gloire du nouvel homme du moment. Se laissera-t-il griser par les anciens soutiens de Bouteflika ?

    Dans ses engagements, le chef d’état-major affirme être entré en scène en réponse aux aspirations des Algériens. Sachant que l’application de l’article 102 n’en est qu’à sa première étape, il lui faudra, de ce fait, aller encore plus loin dans sa démarche.

    Vendredi, les manifestants ont rejeté par avance l’arrivée de Bensalah à la tête de l’État pour une période déterminée. Ils n’ont laissé aucune chance non plus à Belaïz, Bedoui et tous les membres du nouveau gouvernement car étant impossibles à associer à une véritable transition. Mais une transition menée par le chef d’état-major est-elle aussi possible ? Jusqu’où ira la réponse de Gaïd Salah à la rue ?

    A. C.

    Le Soir d’Algérie, 7 avr 2019

    Tags : Algérie, transition, armée, Gaid Salah, article 102,

  • Algérie : L’ancien ministre de la justice arrêté à la frontière marocaine

    Tayeb Louh, ex ministre de la justice algérien a été arrêté alors qu’il tentait de passer illégalement la frontière marocaine, aidé par des passeurs, selon une information révélée par la presse locale.

    L’ancien garde des sceaux était notamment accompagné du député Mohamed Benhamou.

    Ils ont été arrêtés par les forces de l’ordre, qui ont dû faire usage de leurs armes de service pour dissuader les fuyards de poursuivre leur parcours en dépit des sommations.

    Tayeb Louh aurait préparé sa fuite plusieurs jours à l’avance et aurait été arrêté en compagnie d’un convoi de plusieurs véhicules qui transportaient de très fortes sommes d’argent en euros.

    Depuis le début de la crise politique, les services de sécurité algériens restent en alerte au niveau des frontières pour éviter la disparition de personnalités qui pourraient être tentées de fuir le pays en emportant avec eux l’argent du pays.

    France Maghreb2

    Tags : Algérie, transition, article 102, présidentielles 2019, Tayeb Louh

  • Algérie – Marches, manifs et militantisme virtuel : L’œuvre inachevée des Algériens

    Chaouki Mechakra

    Révolution, Hirak, Mouvement Populaire, marches pacifiques… L’exemplarité des manifestations qui se déroulent en Algérie depuis le 16 février à Kherrata avant de s’élargir, une semaine plus tard, à l’ensemble du territoire national, ont subjugués au-delà du pays, les observateurs les plus avertis du monde.

    Pas une goutte de sang n’a coulée, ni une vitrine saccagée, encore moins un décès enregistré. Magistrale leçon de pacifisme retransmise en mondovision.

    Des acquis ont été actés, dont la démission du président de la République, suivie de celle du patron des services secrets.

    En ce septième acte du mouvement, la liste des revendications s’étend aux 3 B à la tête des plus importantes institutions de la République. La pression de la rue est telle qu’il faille surfer sur la loi fondamentale pour habiller légalement ces desirata du « peuple », quitte à contourner voire, détourner les textes de la constitution. Un détail dirait, à juste titre, le citoyen lambda, vu que le président sortant en a fait son « cahier de brouillon », gommant par-ci et raturant par-là, ce qu’il ne lui convenait pas dans ce texte remanié à chacun de ses caprices.

    Jusque-là, l’ANP a accompli sa part du « boulot » en réponse aux revendications populaires, en déverrouillant les portes les mieux gardées du système. Faut-il qu’elle en fasse davantage, surtout que des voix s’élèvent ici et là, pour l’accuser d’un scénario à l’égyptienne ?

    Rafraichissons les mémoires

    Comment est-il possible qu’un peuple qui, il n’y a pas si longtemps, a porté aux cimes un Rachid Nekkaz et un Ghani Mehdi, deux comiques politiques, avant de se raviser, puisse aujourd’hui se laisser berner par ceux qui appellent au retour de l’armée à ses casernes ?

    Comment est-il possible qu’un peuple puisse, au nom d’un article 7 de la constitution, vouloir se substituer à des institutions sans être structuré et physiquement représenté ?

    Si, de son côté, l’ANP a fait le plus gros du « boulot », ne se peut-il pas aujourd’hui que le peuple en fasse autant en réalisant sur le terrain le reste de ses revendications ?

    Au-delà des marches et de l’activisme des claviers, dont l’impact est considérable, rappelons que sur les vingt millions de manifestants, figurent des militants encartés FLN, RND, MPA, TEJ… dont les directions, tant nationales que locales, se sont faites complices et relais du pouvoir décrié. Ces partis ne doivent plus faire partie du futur de l’Algérie et des Algériens, même s’ils venaient à changer leurs responsables.

    Il appartient aux militants sincères de se désolidariser de ces sigles trompeurs en empruntant aux parlementaires leur méthode, c’est-à-dire en cadenassant kasmas, mouhafadas et représentations locales. Ces partis sont à euthanasier par leurs plus proches affiliés. Ce n’est que par des actions de ce type, que l’on pourra tourner la page de la soumission et de la Hogra. D’ailleurs, en attendant que l’ébauche des prochaines institutions se dessine, il serait souhaitable d’inclure en bonne place de la longue liste des revendications, l’interdiction à ces partis d’être partie prenante de la vie politique nationale pendant les cinq années à venir.

    C.Mechakra

    Le Provincial, 6 avr 2019

    Tags : Algérie, peuple algérien, Bouteflika, article 102, armée, manifestations, transition,

  • Algérie : La rue exige le départ de «tous»

    Ce vendredi, acte 7 d’une véritable révolution menée par les Algériens, la rue n’est pas sortie fêter son premier week-end sans Abdelaziz Bouteflika. Elle réclame à présent le départ de tout le système, des symboles, surtout, des années de «pillage» et de mauvaise gestion ayant conduit le pays à la crise.

    Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Pour ce, un véritable tribunal populaire s’est mis en place dans les rues du centre-ville envahi très tôt par les manifestants. La place Audin et la rue Didouche-Mourad vibraient en effet dès les premières heures de la matinée sous l’effet d’une sorte de frénésie, d’impatience de «démarrer» la grande protestation hebdomadaire. Et tous se sont, comme de coutume, préparé en adaptant les messages à transmettre en fonction des dernières évolutions.

    De ces messages, on en déduit que la démission du président de la République n’est pas le seul facteur ayant conduit à l’incroyable mobilisation observée hier, mais que le sentiment de «réconfort», d’avoir obtenu gain de cause, d’avoir franchi le premier écueil (le plus symbolique surtout) a entraîné une foule encore dense qu’auparavant. Il faut dire que la capitale a enregistré une très grande affluence de citoyens venant d’autres wilayas du pays et que même si l’arrivée de ces derniers a été retardée par les barrages dressés autour d’Alger, tous, ou presque, ont pu finalement rejoindre les lieux de rassemblement.

    Ici, beaucoup ont la fierté d’annoncer le nom de la ville d’où ils arrivent : «Je viens de Chlef, c’est mon septième déplacement depuis le 22 février dernier», lance un jeune. A lui seul, il résume l’état d’esprit qui règne actuellement au sein de la population.

    «Depuis que les gens sortent réclamer leurs droits, nous n’avons plus enregistré un seul harraga là-bas, les candidats à l’aventure en mer viennent à Alger chaque vendredi.

    On n’ira pas dans les prisons espagnoles ou italiennes, maintenant c’est à eux de se retrouver derrière les barreaux.» Trois hommes venus spécialement de Grande-Bretagne pour soutenir le mouvement boivent littéralement les paroles de ce jeune. Ils sont sous le coup de l’émotion.
    «On est tellement fiers, comment rater un tel événement», dit l’un d’eux. Ils observent les images qui défilent sous leurs yeux en lâchant des commentaires : «C’est hollywoodien», crie l’un d’entre eux en voyant une immense foule amassée autour des portraits des symboles appelés à «dégager». Les noms dont le départ est réclamé sont très nombreux. Bedoui, Belaïz et Bensalah sont caricaturés en bagnards portant de lourdes chaînes. Abdelkader Bensalah est très visé : «Tu ne seras jamais président même pour une heure, rentre chez toi maintenant», scandent les manifestants. Bedoui également : «Fais tes bagages et emmène ta troupe avec toi.»

    Le nouveau gouvernement est aussi complètement rejeté. Il faut dire que la ministre de la Culture focalise particulièrement la colère des manifestants. Son départ est exigé, comme tous les autres.

    Tous réclament également justice. Des photos grand format de Ali Haddad, Chakib Khelil, Ouyahia sont brandies. L’arrestation de l’ex-patron du FCE et sa mise sous mandat de dépôt a donné lieu à une nouvelle chanson populaire : «Ils ont pris Haddad, guettez les suivants», «On vous l’a dit, nous n’arrêterons pas jusqu’à ce qu’ils partent tous». Des slogans de fraternité avec l’ANP sont très présents. Les messages sont pleins de finesse : «Emmène-les tous en prison, mais le pouvoir c’est nous.»

    L’après-midi tire à sa fin. Une dame d’un certain âge est applaudie car elle balaye symboliquement sous une immense pancarte où est inscrit en gras : «Tous, c’est tous.»

    A. C.

    Le Soir d’Algérie, 6 avr 2019

    Tags : Algérie, Bouteflika, Nacer Bouteflika, Article 102, armée, transition,

  • Algérie : Pour l’Histoire

    Nous vivons de grands moments d’histoire. Plutôt nous sommes en train de vivre l’histoire en direct. Ces dernières semaines, et chacun de leurs jours, ont été riches en événements majeurs qui ont totalement changé le cours de ce qui était écrit par des cercles du pouvoir. Un grand moment d’histoire qui a vu des millions d’Algériens sortir comme un seul homme pour crier un seul mot: NON.

    Un non qui a été répété chaque vendredi en nombre, mais aussi pratiquement chaque jour par différentes couches sociales et professionnelles. Mais en parallèle à ce sursaut populaire, dans les cercles fermés, se déroulait un bras de fer d’une immense intensité, mais aussi de risques majeurs qui auraient pu jeter l’Algérie dans la grande incertitude.

    Mais le choix a été fait de se référer dans tous les cas à la légalité et surtout à la Constitution, et c’est peut-être ce qui a permis de sortir avec ce qui a été considéré comme l’une des victoires majeures du hirak populaire enclenché le vendredi 22 février et permis la démission de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika le 2 avril dernier.

    Mais ceci n’est que la partie émergente de cette singulière Révolution, car, l’histoire qui doit être écrite un jour, devra révéler les multiples tractations au sommet du pouvoir qui a permis une telle issue. Le bras de fer entre l’armée et la présidence, est un fait unique dans les annales de l’histoire de l’Algérie et, à n’en pas douter, il a été long et harassant et parfois même explosif.

    Ce moment intense de l’histoire post-indépendance de notre pays, est peut-être le plus important de tout ce que nous avons eu à vivre car, il est sensé mettre en place les fondements d’un système démocratique résolument ouvert sur les aspirations du peuple qui refuse de revivre les dérives qui ont caractérisé tous les pouvoirs successifs de ce pays.

    Pour ce, écrire l’histoire sans la travestir comme cela a été toujours le cas depuis la guerre de libération nationale, contribuera beaucoup à asseoir les fondements de cette nouvelle Algérie voulue et fièrement défendue par ces millions d’Algériens qui ne voudront jamais revenir en arrière et qui défendront chèrement leurs acquis et leurs victoires. Une défense qui commence par le devoir de vérité qui doit débuter par l’écriture de cette histoire loin de tous les mensonges qui ont été derrière tous les drames de la jeune histoire de ce grand pays.

    Par Abdelmadjid Blidi

    Ouest Tribune, 6 avr 2019

    Tags : Algérie, Bouteflika, Nacer Bouteflika, Article 102, armée, transition,

  • Algérie : Nouvelle apparition de Nacer Bouteflika!

    Nacer Bouteflika, secrétaire général du ministère de la Formation professionnelle, est apparu dans la matinée de ce jeudi, prise lors des passations de service entre l’ancien et le nouveau ministre Belkhir Dada Moussa, a enflammé la toile.

    Deux jour après la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le frère de l’ancien président de la République a démenti en bloc les rumeurs indiquant son placement en résidence surveillée des frères du président démissionnaire.

    Deux jours après la démission du président, et lors d’une visite effectuée par le nouveau ministre de la formation professionnelle dans les bureaux du ministère, Nacer Bouteflika a bel est bien été à ces cotes ainsi que d’autres employés.

    Une sortie qui n’a pas été du gout de l’ensemble des internautes algériens, qui l’ont pris comme une provocation à leur encontre.

    Rachel Hamdi

    Echourouk Online, 5 avr 2019

    Tags : Algérie, Bouteflika, Nacer Bouteflika, Article 102, armée, transition,

  • Un changement radical sans les figures et les symboles du système : Le peuple algérien maintient la pression

    Des millions d’Algériennes et d’Algériens ont marché à nouveau, hier vendredi, à travers le pays, pour une 7e manifestation grandiose de suite et en date depuis le 22 Février historique.

    À Alger, la manifestation était encore beaucoup plus mobilisatrice, déterminante et tranchante surtout avec un mot d’ordre appelant à la restitution de la souveraineté au peuple algérien, changer le système avec une feuille de route qui passerait sans les symboles et figures du système en place.

    Dans la capitale, la marche a tenu toute ses promesses par la mobilisation, la manière pacifique et le niveau des revendications qui fait de plus en plus mouche et suivi assez souvent par un effet immédiat sur le terrain. Ainsi, les manifestants ont battu le pavé, simultanément, à travers tout le pays, munis de pancartes, drapeaux frappés des couleurs nationales, pour revendiquer la mise en place d’une nouvelle République.

    Après six vendredis consécutifs depuis le 22 février dernier, la 7e grande marche était celle de la victoire et projetant sur l’espoir d’en arracher encore à d’autres succès populaires et citoyens après la démission du président Bouteflika. La révolte nationale pacifique était d’ailleurs hier à son premier vendredi post-Bouteflika, l’ex-président sortant après 20 ans de règne à la tête du pouvoir.

    L’affluence des marcheurs était à son comble vers 11h à la Grande-Poste d’Alger, comme aussi au niveau des places Maurice Audin, le 1er Mai ou encore la place des Martyrs.

    Sur place, a-t-on constaté, une mobilisation plus importante que le précédent vendredi, où des centaines de milliers d’Algériennes et d’Algériens ont affiché leur détermination à faire évincer «tous les partisans et les anciens fidèles de l’ex-Président», maintenant que lui-même ait quitté le pouvoir.

    «Bouteflika c’est fini ! À qui le tour ?»

    Place Maurice Audin, des manifestants portent une grande banderole entre les mains et sur laquelle on pouvait lire : «les 3 B, dégagez ! C’est la décision du peuple le seul et l’unique souverain.» «Le peuple exige le changement politique profond du système en place. Le peuple va maintenir la pression sur le pouvoir en place. Nous exigeons le départ des symboles du système Bouteflika, comme le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, le Premier ministre, Noureddine Bedoui, et du président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz », comme nous l’a lancé un étudiant, rencontré parmi ses compères, non loin de l’esplanade de la Grande-Poste.

    «Le peuple veut une République civile»

    Au fur et à mesure que les marcheurs avancent, la foule ne faisant que s’élargir. À la Place Audin, Hayet, une mère de trois enfants, nous dira que « le peuple réclame l’activation de l’article 7. Le peuple veut choisir son gouvernement de transition». Hamid, son mari, lui emboîte le pas : «Il est temps de prendre en compte le pouvoir légitime, l’incontournable, celui du peuple», et de préciser que « le peuple veut aller sur la voie de l’élaboration d’une législation garantissant l’État de droit, les libertés individuelles et collectives».

    Sur place, des discussions et des chuchotements sont engagés entre manifestants, portant notamment sur la période de transition. Les youyous fusaient de partout et exprimant la victoire contre l’ex-président de la République. Tarek, un jeune qui suivait de près nos échanges, a affirmé que « ce vendredi est le premier après le départ de Bouteflika. C’est donc une journée qui se veut être pleine d’espoir après cette victoire partielle, (la démission du chef de l’État).» Ou encore de juger que « le peuple veut aller vers une vraie transition démocratique», avant de poursuivre sa marche, en tenant à immortaliser une scène avec son Smartphone en tenant le drapeau national à bras-le-corps.

    Gaid Salah ? Chacun y va de son propre avis !

    Contrairement aux cas de Bensalah, Belaïz et Bedoui, dont la démission est exigée par des manifestants, les avis des marcheurs divergent sur Gaïd Salah, le chef d’état-major de l’ANP.

    Croisé devant le tunnel des Facultés, Hakim nous à indiqué que « je pense que le peuple ne cessera de manifester ses revendications soulevées depuis le 22 février dernier, tant que celles-ci ne sont pas encore satisfaites. L’application de l’article 102 risque de privilégier des changements de forme et non pas de fond», estime notre interlocuteur comme pour renvoyer à l’article 7 surtout qui confère le pouvoir et la souveraineté au peuple algérien. «C’est vrai qu’El Djeïch (Armée nationale) est le nôtre. Mais Gaïd fait, lui aussi, partie du système en place, on réclame son départ. “Goulna Ga3, c’est ga3” (Nous avons dit tous, c’est tous), point barre ! », a conclu Hakim.

    Un autre jeune, par contre, scande, «Djeïch, Chaâb khawa khawa !» (Armée et peuple sont des frères), avant de répondre à Hakim que «Gaïd Salah s’est rangé du côté du peuple et il s’est engagé à satisfaire toutes ses revendications parmi lesquelles figurent le départ du système et une transition démocratique, pour construire une Algérie nouvelle et un État de droit. »

    Mohamed Amrouni

    Le Courrier d’Algérie

    Tags : Algérie, Article 102, Bouteflika, Gaid Salah, armée, transition,

  • Algérie : L’après Bouteflika, premières appréhensions

    Hocine Adryen

    Le FLN et le RND complètement neutralisés, le patron de l’ex-DRS Toufik remis à sa juste place, Liamine Zeroual reparti à Batna sa ville natale pour y sa longue retraite, Bouteflika et ses frères ne président plus l‘Algérie, TAJ et le MPA oubliés et la mafia politico-financière, du moins une grande partie d’entre elle, est aujourd’hui sous surveillance. Que reste-t-il alors à neutraliser ?

    Il y a ceux qui sont encore tapis dans l’ombre dans les institutions officielles et les entreprises publiques. Seuls quelques partis de l’opposition, les plus crédibles, et certaines personnalités sont épargnés par la vindicte populaire. Mais la grande question qui est sur les lèvres d tout le monde : Que va être désormais la position de l’ANP ? Sera-t-elle tentée, encore une fois, d’imposer son propre agenda ? Ou fera-t-elle, comme elle l’a montré dans ses deux derniers communiqués, allégeance au peuple qui a brandi les articles 7 et 8 de la Constitution pour signifier que le moment de son règne est venu ? L’ex-patron du RCD, Saïd Sadi, ne cache pas d’ailleurs on appréhension envers cette institution : « L’ANP doit, en ces instants critiques, se méfier autant de ses propres démons que de ses courtisans », avertit-il. Le premier jour de l’après-Bouteflika après vingt ans de règne personnel a rendu le sourire aux Algériens. Mais il ne doit pas cacher pour autant cette légitime interrogation : « Où va l’Algérie ? », interrogation du défunt président Mohamed Boudiaf.

    Le Conseil constitutionnel, qui s’est réuni hier sous la présidence de Tayeb Belaiz, a officiellement constaté la vacance du pouvoir. Cette décision devra permettre au président du Sénat Abdelkader Bensalah de prendre la relève pour une période de 90 jours. Mais pour qu’elle soit effective, il faut attendre la convocation des deux chambres du Parlement pour acter la procédure. Le Conseil constitutionnel fait la constatation et finit par déclarer la vacance du pouvoir. Ensuite, il envoie la requête au Parlement réuni en ses deux chambres (Sénat et APN). Mais certains craignent déjà une autre manœuvre dilatoire du camp des perdants pour perpétuer la crise institutionnelle.

    Le président de Talaiet el Hourryet, Ali Benflis, a raison de parler de « bombes à retardement laissées par le régime déchu qu’il s’agira de désamorcer ».

    Cela dit et sur un autre plan, le patron de l’ETRHB Ali Haddad pourrait aussi être mêlé à d’autres affaires dans le cadre des enquêtes menées actuellement sur les fortunes douteuses et les transferts illicites de devises, lancées par le parquet contre une douzaine d’hommes d’affaires. Il devra partager sa cellule avec l’autre grand nom de la corruption durant les premières années du règne de Bouteflika Abdelmoumene Khalifa, qui croupit en prison depuis plus de dix ans. Voilà un autre grand scandale qui n’a pas dévoilé tous ses secrets. Des gens cités, dont des ministres, des responsables d’’entreprises en poste à l’époque des faits, n’ont jamais été inquiétés. La majorité avaient bénéficié de la protection du clan présidentiel. On a condamné des seconds couteaux en lieu et place des vrais responsables. Certains sont toujours en poste. D’autres se sont volatilisés. Faut-il rouvrir le dossier ? La justice algérienne est aujourd’hui devant un cas de conscience qu’elle doit corriger pour l’histoire et pour les victimes de cette grosse escroquerie.

    Le Jeune Indépendant, 3 avril 2019

    Tags : Algérie, Article 102, Bouteflika, Gaid Salah, transition, manifestations,

  • Algérie . Hommage à ce peuple algérien admirable à plus d’un titre

    par Ali Djaaboub

    Il est un fait indéniable que nul ne peut nier, c’est celui de reconnaitre sans l’ombre d’un doute que le peuple algérien qui a été traité de tous les qualificatifs désobligeants et qu’on a enterré trop tôt est grandiose, formidable, exemplaire et valeureux.

    Ce peuple qui s’est armé de patience des années, qui a ébahi le monde durant sa révolution armée contre l’occupant français et l’ensemble des forces de l’OTAN, et qui est entrain de l’ébahir depuis le 22 février, est en passe de démontrer qu’il est de loin bien plus grand que ceux qui géraient ses affaires malgré lui et qui l’ont méprisé, l’ont traité d’immature et d’assisté durant longtemps, trop longtemps. Tout comme il est entrain de donner des leçons de civisme à ceux à l’extérieur qui l’ont qualifié tantôt de soumis et tantôt de violent et principalement ceux qui complotent dans le secret contre lui et son armée, ceux dont les peuples dits « démocrates » et « civilisés » saccagent tous les Weekends les biens publics de leur pays. Ce qui nous amène à leur dire : « avant de parler des autres, commencez par balayer devant chez vous ».

    Ce peuple, que ne connaissent sa véritable valeur que seuls ceux qui ont sacrifié leur vie pour sa Liberté et la libération de sa Patrie. Ceux qui, un jour, avaient dit : « jetez la révolution à la rue, le peuple la portera ».

    Ce peuple qui après avoir fait l’objet de mépris par ceux là même qui étaient censés le représenter, mais qui ont détourné sa volonté pour se servir au lieu de le servir et qui ont ouvert les portes du pouvoir aux aventuriers qui ont fini par prendre ses rênes, détourner sa vocation et salir l’image du pays et sa réputation. Ce peuple qui a été muselé durant des années par la menace, par le chantage et même la terreur est en voie d’écrire une Histoire grandiose qui survivra au temps et aux générations.

    Je me permets, avec fierté, de défier quiconque de me citer un peuple aussi civilisé soit t-il qui sort par centaines de milliers dans 48 Wilaya (départements), (ce sont quelques 15 ou 20 Millions au total) durant des heures sans rien casser et de nettoyer les rues et les places qu’il a occupées avant de se retirer dans l’ordre et la discipline pour rentrer chez soi ?!!!

    Ce vendredi fatidique du 22 février 2019, il a fini par dire non à l’injustice, non à l’usurpation de ma volonté, non au pouvoir totalitaire, non aux voleurs, non aux prédateurs et non au mépris. De ce fait, il décide de reprendre sa souveraineté en main et descend dans la rue pour l’exprimer haut et fort en criant non au 5ème mandat d’un président malade et impotent qui ne s’est pas adressé à son peuple depuis des années et au nom de qui un groupe d’usurpateurs gouverne illégalement. Il rejette la feuille de route présentée au nom de ce même président à qui il refuse toute prolongation (prorogation) de mandat. Tout comme il renie le nouveau 1er Ministre nommé en remplacement d’Ahmed Ouyahia et rejette son gouvernement, tout comme il exige le départ de toutes les figures de l’ancien système à qui il dénie le droit de gérer ou même participer à la période de transition.

    Aujourd’hui, après 6 vendredis consécutifs, la communion entre le peuple et son Armée Nationale Populaire et la solidarité de l’ensemble des services de sécurité avec lui est totale, notamment après l’invitation du chef d’Etat Major de l’armée à activer l’article 7, 8 et 102 de la Constitution et donc son alignement sur la position du peuple qui le lui rend bien, et ceci, malgré de vaines tentatives de porter atteinte aussi bien à l’armée qu’au Hirak. Le « pouvoir » fait de la résistance et refuse de se soumettre et partir quitte à engager le pays dans une impasse dont les dangers sont multiples. Entre temps, les profiteurs qui ont sucé les richesses du peuple tentent tels des rats qui quittent le navire au moment de sombrer, de fuir le pays par l’utilisation de moyens multiples et entre autres 11 avions privés mal acquis, avant d’être empêché de quitter le territoire par qui de droit.

    Jamais l’Algérie n’a connu une gouvernance aussi personnelle depuis son indépendance. Jamais elle n’a vu ses institutions reléguer au rang de simples entités sans aucun pouvoir et sans consistance comme elles l’ont été sous le règne de l’actuel premier dirigeant qui a concentré l’ensemble des pouvoirs aussi insignifiants soient ils à son niveau. Il est le maire, le député et le ministre à la fois. Les institutions clés (APN, Sénat et Conseil constitutionnel) ont été confié à des inconditionnels qui n’obéissent à aucune autre loi que celle qui lui est dictée par le chef qui l’y a installé. La nomination de la quasi majorité des différents Ministres et hauts responsables est puisé dans la seule région de Tlemcen où est natif le président. Jamais le sentiment de régionalisme outrancier n’a été ressenti par le peuple comme il l‘a été sous les tenants du pouvoir actuel, ce qui fait dire à beaucoup que le pays est devenu une royauté.

    Cette politique de vide institutionnel mise en place a donné naissance à un phénomène de clientélisme qui a vu s’installer une catégorie de prédateurs sans foi ni loi, notamment après la maladie du président, qui se servent de l’autorité de l’Etat pour s’accaparer de ses rouages et les utiliser à leur seul profit, rouages de l’Etat qui ont été illégalement confisqués.

    Le 22 février le peuple a décidé de reprendre sa destinée en main et nul ne pourra se dresser contre sa volonté : « Ida Echab Yawnan Arada El Hayat Laboudda En Yastajib El Kadar ».

    Que Dieu préserve notre chère Patrie et son peuple de leurs ennemis à l’intérieur et à l’extérieur, gloire à nos valeureux Martyrs et que vive l’Algérie.

    Le Quotidien d’Oran, 4/04/2019

    Tags : Algérie, Article 102, Bouteflika, Gaid Salah, transition, manifestations,