Étiquette : Tunisie

  • Déconstruire les références à la volonté de « bénalisation du Maroc » (note de Karim Bouzida)

    Entretien téléphonique de Sa Majesté Le Roi avec le nouveau président tunisien

    L’agence MAP a publié une dépêche faisant état d’un entretien téléphonique entre SM LE Roi Mohammed VI et le président tunisien nouvellement élu Mr Moncef Marzouki. Le président Tunisien a ainsi tenu à ce que son premier contact avec un chef d’Etat étranger, soit avec le Souverain.

    Cette volonté exprimée par le nouveau Chef d’Etat Tunisien est porteuse de significations et de messages qui devront être mise en avant :

    Message 1 : Déconstruire les assimilations au régime Benali

    Moncef Marzouki est considéré comme une des icônes du Printemps arabe. Il présente l’image d’un militant démocrate et moderniste qui a laissé son empreinte intellectuelle et politique sur la révolution tunisienne.

    Déconstruire les références à la volonté de « bénalisation du Maroc » (dixit Jamaï). Cette déconstruction permettra de décomplexer la réception du discours sur le Printemps arabe par rapport au cas marocain

    Plusieurs acteurs ont trouvé dans la révolution tunisienne une occasion pour affaiblir le système politique marocain en interprétant certaines évolutions politiques et économiques comme une volonté de la part de l’Etat marocain de suivre le modèle Benali. Il s’agit là de l’une des bases sur lesquelles s’est construit l’édifice discursif du mouvement du 20 février.

    La déclaration de Moncef Marzouki porte un déni indirect de ces allégations ; si le Maroc était réellement un modèle de « bénalisme en cours », l’une des anciennes victimes de ce régime n’aurait pas exprimé cette sollicitude.

    Relais

    Personnalités de l’univers des droits de l’homme proches de l’ancienne opposition tunisienne laïque (Belkouch, Yazami…) ou des intellectuels (Tozy)

    Journalistes qui ont produit toute une littérature glorifiant le printemps arabe (Bouachrine, Miftah)

    Message 2 : Inverser les trajectoires des inspirations

    Les nouvelles autorités de Tunisie voient dans le Maroc un modèle notamment en matière de coexistence avec les Islamistes. Si Moncef Marzouki et sa tendance politique sont dans une posture de coexistence et de collaboration avec Ennahda, SM Le Roi a toléré les partis islamistes (au moment ou ils étaient interdit dans les pays arabes) et a même insisté à ce que le verdict des urnes soit respecté quelque soit le gagnant. La comparaison n’est pas pertinente mais le parallèle va forcément être évoqué entre deux chefs d’Etats dont le gouvernement est dirigé par des islamistes.

    Relais

    Acteurs politiques d’obédience islamistes mais avec une certaine profondeur intellectuelle et académique (Mostapha Khalfi, Darif, …)

    Message 3 : placer le Maroc au cœur de la dynamique du printemps arabe

    Sur le plan géopolitique, le vœu exprimé par le chef d’Etat tunisien est une reconnaissance du rôle central du Maroc dans le monde arabe post-révolutions. Il s’agit d’une preuve que le Maroc a bien sa place dans le groupe des Etats arabes en démocratisation. Il peut même se placer comme un leader (au moins symbolique) de ce groupe (Tunisie, Lybie, Egypte).
    Contrairement à l’Algérie, le Maroc est bien à l’aise dans cette nouvelle situation de bouleversement géopolitique parce qu’il a fait sa révolution conduite par SM Le Roi.

    Relais

    Experts marocains en matière de science politique et relations internationales (Boukentar, Azzouzi)

    Tags : Maroc, Benali, Tunisie, Moncef Marzouki, Printemps Arabe, bénalisation du Maroc,

  • Quitter l’Algérie avec regrets

    Il fallait bien que tout ait une fin, après douze ans j’étais devenu à moitié algérien à tel point que j’avais les cheveux frisés et une moustache. Je me demandais quand même ce que j’allais bien pouvoir regretter après avoir quitté ce pays d’adoption. En fait il ne m’a pas été difficile d’en faire une liste (mais non exhaustive) :

    – La mer Méditerranée, tout d’abord, près de laquelle j’ai passé beaucoup de temps, dedans en chasse sous-Marine, en surface à la nage ou au-dessus en planche à voile.

    – Le climat qui me permettait de rester en chemisette tout au long de l’année.

    – Les paysages grandioses du Sud et les nombreuses missions que j’y ai effectué (un professeur de biologie ne fait pas de tourisme mais effectue des missions de terrain).

    – Les étudiants, très attentifs, qui buvaient mes paroles lorsque je leur faisais cours ce qui était très agréable et très motivant, et que je n’ai malheureusement pas retrouvé en France.

    – Les coopérants et les coopérantes de toutes nationalités, française, belges, béninois mais ex dahoméen, polonais, égyptiens, indien, corses, (hé oui, pays amis depuis les dernières régionales !) expatriés comme moi et avec lesquels j’ai vécu les multiples aventures que je vous ai racontées mais je crains d’en avoir oubliées quelques unes (n’hésitez pas à me le signaler).

    – Quelques collègues algériens que je fréquente encore, surtout celui avec qui j’écris des ouvrages scientifiques à succès. Pour la plus part, ils ne m’ont pas oublié; je le vérifie à chaque fois que je rencontre l’un ou l’autre de mes anciens étudiants devenus universitaires, en visite à l’université du Maine.

    – Les lacs salés ou sebkhas dans lesquels j’ai passé pas mal de temps à torturer une petite plante qui ne m’avait rien demandé, mais pour une bonne cause, la Science, mais du coup, elle est passée à la postérité et devrait me remercier.

    – L’aventure qui est souvent au coin de la rue quand on est expat !

    – Les souks surtout ceux du Maroc dans lesquels j’adorais fureter.

    – Le couscous viandes à 3 dinars que je consommais au début de mon séjour dans les gargotes de Ville Nouvelle alors que ma femme prenait un couscous légumes à 1 dinar 50 afin de respecter les traditions locales.

    – Les parties de tennis qui occupaient mes fins de journées.

    – Les voyages en classe affaires sur Air France lors desquels j’ai souvent dégusté du caviar et du champagne millésimé (époque malheureusement révolue, maintenant sur Air Frances on a droit à un sandwich en pain tout mou pour ne pas faire de miettes, d’un autre coté il y a bien longtemps que je n’ai plus voyagé en classe affaire !).

    – Ma jeunesse, bien sûr, alors pleine d’espoir et d’idéal, allant participer au développement d’une jeune université dans un jeune pays, mais vite déçu par la vie de tous les jours dans un pays en construction se voulant socialiste, mais s’inspirant un peu trop du régime soviétique.

    En effet, en Algérie, dans les années 70 tout était centralisé et à la charge de l’état, les logements lui appartenait, les sociétés nationales très nombreuses et très inspirées du système soviétique contrôlaient toute l’économie, l’armée était une entreprise de travaux publics, l’unique banque était publique. La presque totalité des travailleurs étaient rémunérés par l’état; même les paysans ce qui pour eux n’était pas très stimulant et expliquait en partie les fréquentes pénuries de légumes.

    Ce jeune pays, jadis grenier à blé de la France, avait des difficultés avec l’agriculture ce qu’avait bien repéré l’agronome René Dumont lors d’une sortie sur le terrain dans la région de Mostaganem. Pour l’anecdote accompagnant une délégation de l’ITA (institut de technologie agricole) il avait été le seul à prévoir des bottes pour aller dans les champs alors que tous les jeunes ingénieurs avec leurs chaussures cirées étaient restés sur la route goudronnée. À partir de cet événement, il avait émis des réserves sur l’avenir de l’agriculture en Algérie. La fonctionnarisation des fellahs lors de la construction intensive des villages socialistes voulue par le président Houari Boumediene n’a pas amélioré la situation.

    Dans l’industrie la gestion était trop centralisée, le président appliquant le principe de l’industrie industrialisante des soviétiques, Il y avait une surproduction d’acier et pour l’utiliser on installait autour des immeubles des grilles massives ce qui n’était pas du meilleur effet d’un point de vue urbanistique. Seul la Sonatrach (le gaz et le pétrole) indépendante et état dans l’état, tirait son épingle du jeu grâce à ses grosses rentrées d’argent.

    La population manquait cruellement de logements aussi l’Algérie était un vaste chantier mais qui manquait de ciment et pourtant une grande cimenterie très moderne avait été construite près d’Oran par une société française dont je fréquentais quelques cadres. Malheureusement trop sophistiquée elle était souvent en panne, heureusement pour sauver la mise des responsables, sur le même site, l’ancienne cimenterie reliquat de la colonisation avait été conservée et fonctionnait toujours produisant l’essentiel du ciment mais en quantité bien insuffisante.

    Toutefois l’Algérie, grâce aux revenus gaziers et pétroliers, nourrissait sa population en soutenant le prix des produits alimentaires de première nécessité comme la farine, l’huile, le beurre, la semoule, le sucre ou le café. Par contre d’un point de vue nutritionnel, ce n’est pas excellent.

    Dans la cité populaire des Amandiers, où j’ai vécu les trois premières années de mon séjour, le père de famille algérien achetait chaque jour chez le « soussi » (l’épicier) autant de « tipana » (baguettes de pain) qu’il avait d’enfants, 100 g d’olives pimentées et deux ou trois litres de lait reconstitué; un tipana sur lequel l’enfant frottait son olive, un verre de lait et c’était le repas pour la journée. Le dimanche, pardon le vendredi, le père allait acheter chez le boucher de la cité (un peu escroc) quelques dizaines de grammes de poulet que cet honnête commerçant pesait avec précision en le plaçant sur du papier très épais si bien que le père de famille payait surtout du papier. Ce petit morceau de poulet était ensuite placé dans le couscous, ainsi les enfants avaient le goût de la viande mais c’était le père qui la mangeait. 30 ans après, l’Algérie continue à soutenir le prix de ces produits, ce qui crée un trafic important avec les pays voisins où ils sont beaucoup plus chers. C’est ce que m’ont expliqué mes collègues nutritionnistes lors de mon dernier séjour. Logés ensuite en centre ville dans un appartement mal orienté (il fallait se pencher pour voir la mer), j’ai perdu le contact avec cette population miséreuse, mais j’espère que depuis leur situation c’est améliorée.

    Cette fois c’est terminé pour l’Algérie mais pas totalement avec le Maghreb où je suis retourné professionnellement de temps en temps mais dans les deux pays voisins, le Maroc et la Tunisie donc des anecdotes à venir. Mais tout d’abord, mon intégration à l’université du Maine, ce sera la saison 3 dès la semaine prochaine.

    Source : PRGG, 12 mars 2016

    Tags : Algérie, Maroc, Tunisie, Maroc, Maghreb,

  • Human Rights Watch salue le rapatriement des enfants des terroristes de Daech par la Tunisie

    Pour l’organisation des droits de l’Homme cette démarche permettrait de protéger les enfants

    Meher Hajbı

    AA – Tunis

    Human Rights Watch a estimé, jeudi, que le rapatriement des six enfants des terroristes de Daech par la Tunisie constitue une démarche vers la protection des droits de ces enfants.

    Dans un communiqué rendu public jeudi, l’organisation a expliqué que les autorités tunisiennes devraient tout mettre en œuvre pour accélérer le retour de plus de 36 autres enfants toujours bloqués en Libye, ainsi que les 160 autres enfants qui seraient également détenus dans des camps et des prisons en Syrie et en Irak ».

    Pour Human Rights Watch, les femmes détenues avec leurs enfants, ainsi que les hommes soupçonnés d’appartenir à Daech, pourraient faire l’objet d’une enquête et être jugés dans le cadre des normes de procès équitable après leur retour.

    En effet, le 24 janvier, le président tunisien Kaïs Saïed a ordonné de suivre le dossier des enfants bloqués en Libye et de faciliter leur retour au pays après avoir reçu 6 orphelins récupérés de Libye.

    La Présidence de la République accorde au dossier du retour des enfants bloqués une importance particulière. Le président Saïed avait convenu, lors de sa rencontre avec le président du Conseil présidentiel du gouvernement libyen, Fayez al-Sarraj, d’assurer le retour rapide de ces enfants. (Anadolou)

    Tags : Tunisie, Daech, Daesh, ISIS, Etat Islamique, EI, terrorisme, Syrie,

  • Maroc-Algérie : La belle et le bête

    Nous sommes au mois de décembre 2014. Le hacker Chris Coleman sévit contre le Makhzen qui multiplie les sorties de panique. Dans des déclarations faites au quotidien Algérie Patriotique, un responsable algérien qui a requis l’anonymat a affirmé que le Maroc « qui a des problèmes avec tous ses voisins, l’Espagne, la France, l’Algérie et la Mauritanie, devrait prendre enfin conscience que l’essence expansionniste de sa politique va finir par en faire un pestiféré au niveau de la région ».

    Cinq ans après, les indices de cette prophétie commencent à se profiler à l’horizon. Les autorités marocaines n’arrivent pas á digérer ce qu’il se passe. Tous les milliards dépensés en lobbying pour devenir un pestiféré ! C’est pour déprimer !

    Alors qu’il s’attendait à voir l’Algérie plonger dans une nouvelle décennie noire, l’État terroriste du Maroc s’aperçoit que son voisin de l’Est, en plus d’éviter tout dérapage dans les réponses aux manifestants du peuple algérien, Alger a pris des mesures inimaginables au pays de Mohammed VI : les piliers de la corruption se trouvent tous en prison et le feuilleton de la lutte contre la corruption n’a fait que commencer.

    La réaction des autorités marocaines contre la conférence de Berlin exprime le désarroi du régime de Rabat en découvrant que son lobbying, son chantage à la migration et au terrorisme n’ont rien donné si ce n’est salir l’image du Maroc et faire de lui l’indésirable de la région. C’est à l’Algérie que la Tunisie, la Libye et la Mauritanie ont demandé de rapatrier leurs ressortissants de la Chine. A bon entendeur, salut !

    Tags : Algérie, Maroc, Libye, Mauritanie, Maghreb, Tunisie, terrorisme, coronavirus,

  • Berlin : La voix de l’Algérie incontournable dans le dossier de la Libye

    CONFÉRENCE INTERNATIONALE À BERLIN SUR LA CRISE LIBYENNE : La voix de l’Algérie incontournable

    Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune se rendra, aujourd’hui, à Berlin en Allemagne en qualité de président d’un pays acteur majeur dans la région, en particulier, la question libyenne. Le cessez-le-feu en vigueur en Libye a été le fruit d’intenses efforts de La diplomatie algérienne, marquées par un large ballet diplomatique à Alger. Le président du Haut Conseil d’Etat libyen, Khaled Al- Machri a d’ailleurs considéré, jeudi, que l’Algérie était « la seule puissance arabe capable de rétablir les équilibres » dans le dossier libyen, se félicitant du « retour de la diplomatie algérienne » sur la scène libyenne. Al-Machri a en outre fait état de la préparation d’une visite à Alger d’une délégation du Haut Conseil d’Etat de la Libye « pour expliquer tous les tenants et aboutissant du conflit libyen, à l’ensemble des forces partisanes, parlementaires et populaires ».

    Pour sa part, le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, a affirmé lors de sa visite jeudi à Alger que l’Algérie et son pays partagent une vision commune basée sur le dialogue, seule et unique option pour trouver une solution politique à la crise en Libye.

    En prélude à ce déplacement de Berlin, Alger a été le théâtre d’un intense ballet diplomatique comme l’a illustré la visite jeudi 16 janvier du premier ministre italien Giuseppe Conte. Il avait été précédé depuis le début de l’année des ministres des affaires étrangères turc, égyptien, italien.

    Dans son souci de maintenir un équilibre apparent, l’Algérie a également reçu les deux camps rivaux : Faïez Sarraj, le chef du » gouvernement d’accord national » (GAN) basé à Tripoli, fruit de l’accord de Skhirat parrainé par les Nations unies et reconnu par la communauté internationale, ainsi qu’une délégation du gouvernement rival basé en Cyrénaïque (est) soutenant le maréchal Khalifa Haftar, le patron de l’Armée nationale libyenne (ANL), qui a déclenché l’assaut contre Tripoli en avril 2019. A tous ces visiteurs, les autorités algériennes ont répété le double credo de la diplomatie algérienne sur le dossier libyen : » refus des ingérences extérieures » et promotion de solutions politiques basées sur » un dialogue national inclusif « .

    Auparavant, le Chef de l’Etat a reçu, également, les chefs de la diplomatie turque, égyptienne et italienne, Sameh Choukri et Luigi Di Maio. La crise de ce pays voisin et les voies et moyens de parvenir à un règlement politique et pacifique du conflit seront au centre de cette conférence sous l’égide des Nations unies, à laquelle une participation accrue a été annoncée.

    Plusieurs pays, à savoir, l’Algérie, qui a joué un rôle central dans les efforts de règlement de la crise, la Russie, la Turquie, les Etats Unis, la Chine, l’Italie et la France prendront part à cette Conférence sous l’égide des Nations unies, en présence de l’Union africaine, pour soutenir « les efforts de réconciliation à l’intérieur de la Libye », pays en proie à une crise depuis 2011.

    Les deux protagonistes de la crise, le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale (GNA) Fayez al-Sarraj et le maréchal Khalifa Haftar, ont tous les deux confirmé leur participation aux discussions à Berlin, après que les deux hommes ont accepté un cessez-le-feu en vigueur en Libye destiné à mettre fin au chaos libyen, laissé après la chute de l’ancien régime de Maamar El Gueddafi en 2011 et une intervention militaire occidentale.

    La crise en Libye a créé un vide sécuritaire mais aussi favorisé la circulation de « milliers d’armes, munitions et explosifs », en plus de l’émergence de groupes terroristes, notamment dans l’est libyen. Fayez al-Sarraj a confirmé, jeudi, sa présence à la conférence internationale à Berlin visant à lancer un processus de paix, et le Maréchal Haftar a dit être prêt « en principe » à y participer.

    Dans la capitale Tripoli, al- Sarraj, chef du GNA reconnu par l’ONU, a confirmé, via son service de presse, sa présence à la conférence, tandis qu’à Benghazi, à un millier de km plus à l’est, le Maréchal Haftar a promis sa présence lors d’un entretien avec le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas. Les positions respectives du chef du GNA, reconnu par l’ONU et basé à Tripoli (ouest), Fayez al-Sarraj, et du Maréchal Khalifa Haftar, ont été annoncées alors qu’une cessation des hostilités, globalement respectée, est en vigueur depuis dimanche aux portes de la capitale libyenne.

    Par ailleurs, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a confirmé qu’il assistera à la conférence internationale sur la Libye et fera part de son soutien aux efforts pour consolider la trêve, a indiqué jeudi le département d’Etat. Pompeo devrait exhorter les forces étrangères à se retirer de ce pays ravagé par le conflit et exiger une reprise du processus de paix sous l’égide des Nations unies, a indiqué un responsable américain.

    « L’impératif est la poursuite du cessez-le-feu », a-t-il toutefois précisé à un groupe de journalistes. Pour sa part, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres avait appelé, mercredi, « à soutenir fermement » la conférence de paix pour la Libye et a invité les belligérants à confirmer la cessation des hostilités, dans un rapport remis au Conseil de sécurité de l’ONU.

    L’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, a quant à lui indiqué avoir noté « avec satisfaction » que l’appel au cessez-le-feu en Libye a été entendu par les parties, espérant un « minimum de consensus international » à la conférence de Berlin sur la Libye. Le Kremlin a annoncé, de son coté, que le président russe Vladimir Poutine participera à ce rendez-vous. »

    Le plus important, maintenant, est qu’après la conférence de Berlin (…) les parties libyennes ne répètent pas leurs erreurs du passé en fixant e nouvelles conditions et en se lançant des accusations », a dit pour sa part lors d’une conférence de presse, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui sera lui aussi dimanche à Berlin.

    A.M.

    La Tribune des Lecteurs, 18 jan 2020

    Tags : Algérie, Libye, Maroc,  Tunisie, Turquie, Russie, tripoli, Haftar,

  • Algérie : Baptême de feu international pour Tebboune à la conférence de Berlin

    Il est d’usage qu’un président fraîchement élu apporte un soin tatillon à choisir la destination de sa première sortie à l’étranger pour donner le ton de ce que sera son orientation diplomatique nouvelle.

    Le Président Tebboune n’a même pas eu le temps de faire ce choix, étant donné qu’il doit se déplacer aujourd’hui à Berlin, à l’invitation de la chancelière Angela Merkel, pour participer à la conférence internationale sur la Libye. C’est donc une urgence diplomatique qui vient percuter l’agenda politique interne. L’Algérie est un numéro majeur dans l’équation libyenne et le Président Tebboune, qui a déjà reçu la semaine dernière les chefs de la diplomatie turque, égyptienne, italienne, puis le président du Conseil italien Giuseppe Conté, aura l’occasion de défendre l’approche algérienne fondée sur le dialogue inclusif, en dehors de toute interventionnisme.

    Au-delà du contenu de cette réunion, la capitale allemande sera en quelque sorte le baptême de feu diplomatique du nouveau chef de l’État qui sera adoubé par ses homologues présents Berlin et profitera aussi de cette fenêtre d’opportunité pour asseoir sa légitimité internationale. Il est vrai que le Président Tebboune, juste après son élection, a vu une pluie de messages de félicitations, émanant de plusieurs chefs d’État et de gouvernement soulagés de voir l’Algérie sortir de la zone de turbulences pour se réapproprier son rôle d’acteur majeur dans une sous-région en proie à des soubresauts politiques et sécuritaires. Sa stature internationale, à la faveur de la conférence de Berlin, donnera incontestablement plus de poids en interne au Président Tebboune dont la marge de manœuvre sera plus large pour conduire et mette en oeuvre sa feuille de route. Un exercice d’autant ardu qu’une partie de la classe politique mais surtout le Hirak restent encore en attente de voir de signaux politiques forts qui traduiraient, pour de vraie, la rupture avec l’ancien système.

    Erdogan agite le spectre du terrorisme, en cas de renversement du GNA

    Dans un article paru hier sur le site internet Politico, et dont le timing, à la veille de la conférence internationale à Berlin sur le conflit en Libye, prévue ce dimanche, interpelle à plus d’un titre, le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde contre une résurgence du terrorisme, si le gouvernement libyen (GNA) siégeant à Tripoli, reconnu par l’Onu, venait à être renversé.

    « L’Europe fera face à une nouvelle série de problèmes et de menaces en cas de chute du gouvernement légitime libyen », écrit, ainsi, Erdogan, expliquant que « Les organisations terroristes comme l’EI et l’organisation terroriste Al-Qaïda, qui ont subi une défaite militaire en Syrie et en Irak, trouveront un terrain fertile pour reprendre pied », prévient- il. Interpellant directement l’Union européenne, le chef de l’État turc a souligné que si l’Union européenne ne parvenait pas à soutenir de manière adéquate le Gouvernement d’union nationale (GNA) dirigé par Fayez al-Sarraj, ce serait « une trahison de ses propres valeurs fondamentales, y compris la démocratie et les droits de l’Homme », a-t-il estimé, ajoutant que L’UE « doit montrer au monde qu’elle est un acteur pertinent dans l’arène internationale ».

    Erdogan trace, enfin, au marqueur l’imminente conférence de paix à Berlin qu’il considère comme « un pas très significatif vers cet objectif », non sans voir martelé que les dirigeants européens « devraient toutefois un peu moins parler et se concentrer sur la prise de mesures concrètes », a-t-il conclu. Pour rappel et après des mois de combats, qui ont fait plus de 2.000 morts, un cessez-le-feu est entré en vigueur depuis le 12 janvier mais dont la fragilité fait craindre à l’Europe une internationalisation du conflit, avec notamment l’implication de la Turquie qui a annoncé l’envoi de soldats pour soutenir le GNA.

    Par : RAHIMA RAHMOUNI

    Le Midi Libre, 18 jan 2020

    Tags : Algérie, Libye, Allemagne, conférence de Berlin, Tunisie, Maroc, Russie, Turquie, Tripoli, Haftar,

  • Conférence de Berlin, une paix à inventer

    L’Allemagne, le pays organisateur, et l’ONU, son initiatrice, auront pris tout leur temps pour que la conférence de Berlin sur la Libye, qui s’ouvre demain, à défaut d’être un complet succès, du moins ne soit pas un retentissant échec, comme l’a été pour l’essentiel celle de Palerme, en novembre 2018, à quoi par ailleurs elle ressemble par bien des aspects. Il n’en reste pas moins qu’il a fallu attendre la dernière ligne droite pour que l’on ait une idée plus précise des participants.

    L’Algérie et la Tunisie n’y auraient probablement pas été invitées si la conférence s’était tenue en octobre dernier, comme prévu initialement. Non plus d’ailleurs Fayaz el-Serraj et Khalifa Hafter qui ne l’ont été qu’à la veille de sa tenue.

    A la différence de la conférence de Palerme, qui avait rassemblé tous les pays ayant voix au chapitre dans le conflit libyen, qu’ils soient ou non militairement impliqués, mais également les deux camps libyens, celle de Berlin avait été conçue à l’origine pour réunir les grands pays d’une part, et de l’autre, les parties prenantes étrangères au conflit.

    A Palerme il s’était agi pour les participants de faire pression sur les factions libyennes pour les amener à s’engager dans un processus de paix sous l’égide de l’ONU. A Berlin, la pression ne devait s’exercer que sur les pays alliés extérieurs des deux camps libyens. C’était eux que l’émissaire onusien voulait prioritairement convaincre d’arrêter d’entretenir la crise libyenne.

    Dans cet esprit, il estimait n’avoir besoin de la présence ni des pays comme l’Algérie et la Tunisie, qui en effet ne s’étaient alignées sur aucun camp libyen, ni même de celle des Libyens, en raison de leur trop grande dépendance vis-à-vis de leurs soutiens extérieurs. Pourquoi associer à la recherche de la paix des pays qui après tout ne sont pas en guerre en Libye, ou des parties libyennes qui elles ne peuvent rien décider par elles-mêmes?

    S’il y a une paix à forger dans ces conditions, ce serait exclusivement entre leurs alliés extérieurs les plus engagés à leurs côtés. Celle qui concernerait directement les Libyens viendrait par surcroît. Si Turcs et Qataris d’un côté, Egyptiens et Emiratis de l’autre, pour ne prendre qu’eux, cessaient de s’affronter par Libyens interposés, le retour de la paix entre ces derniers serait facile, s’était dit, avec beaucoup de bon sens, Ghassan Salamé.

    Sans l’intervention de l’Allemagne, le pays organisateur, la conférence de Berlin était donc partie pour différer notablement, à la fois par son objectif et par le nombre réduit de ses participants, de celle de Palerme. Ce sont les Allemands qui ont invité les parties dont Ghassan Salamé avaient pensé qu’elles ne seraient d’aucune utilité, les unes parce que justement elles n’étaient pas en guerre, et les autres parce qu’au contraire elles ne faisaient que ça, à la fois pour elles-mêmes et pour le compte d’autrui.

    Un autre aspect mérite d’être relevé qui ne risquait pas de faire son apparition la veille de la conférence de Palerme. La Turquie a attendu la veille de la conférence de Berlin pour annoncer l’envoi de soldats en Libye.

    Une conférence internationale s’apprête à s’ouvrir, et le président turc, qui probablement y sera présent en personne, ne trouve rien de mieux à faire que de parler de dépêcher son armée, dans ce pays même qu’il s’agit de tirer des griffes de la guerre ! Or Recep Tayyip Erdogan ne s’est pas contenté de faire cette annonce, mais a promis par la même occasion de donner une leçon mémorable au général Haftar, dans le cas où celui-ci continuerait de menacer le gouvernement de Tripoli. On se croirait revenu au 16e siècle, au temps de la conquête ottomane de Tripoli.

    Le Jour d’Algérie, 18 jan 202

    Tags : Algérie, Libye, Tunisie, Haftar, Turquie, Russie, Allemagne,

  • L’Algérie et la Tunisie, les deux grands absents à la Conférence de Berlin?

    Libye/Conférence de Berlin : Liste des invités et des exclus (encadré)

    AA / Mustafa Dalaa

    Le gouvernement allemand a officiellement annoncé la liste des États et des organisations internationales invités à participer à la conférence de Berlin sur la crise libyenne, au niveau des chefs d’État et de gouvernement, qui comprenait quelques amendements à la liste originale du groupe 5 + 5, excluant certains pays voisins en plus du Qatar, et les deux parties au conflit libyen Et l’Union africaine.

    ** Les pays et organisations suivants sont invités à la Conférence de Berlin, selon une déclaration du Conseil du gouvernement allemand, rapportée par le site Web  » Deutsche Welle »:

    1- Le Groupe des cinq membres permanents du Conseil de sécurité: les États-Unis d’Amérique, dont la participation du président Donald Trump n’a pas encore été confirmée, la Russie et la France qui soutiennent le général à la retraite Khalifa Haftar, ainsi que le Royaume Uni et la Chine.

    2- Pays régionaux: Outre l’Allemagne en tant que pays organisateur, la Turquie, l’Italie, ainsi que l’Égypte et les Émirats soutiens de Haftar, participeront à la conférence.

    3- Algérie: elle n’avait pas été conviée à la conférence malgré ses longues frontières avec la Libye (environ un millier de kilomètres) en raison de la crise qu’elle a connue après la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril, après des manifestations de masse contre sa candidature à un cinquième mandat présidentiel. Après l’élection du président Abdel Majid Tebboune, en décembre dernier, et son affirmation selon laquelle l’Algérie « restera active dans la crise libyenne, qu’on le veuille ou non », son pays a été invité à la conférence de Berlin avec le soutien de la Turquie et de la Russie, de l’envoyé des Nations Unies, Ghassan Salamé, ainsi que du gouvernement libyen.

    4- Congo: Invité de dernière minute, l’Union africaine ayant mandaté son président, Dennis Sassou Angesso, il y a trois ans, pour présider un comité de haut niveau sur la crise libyenne. Brazzaville cherche à accueillir, le 25 janvier, une réunion africaine consacrée à la crise libyenne, et c’est dans cette perspective que le ministre congolais des Affaires étrangères a visité plusieurs pays d’Afrique du Nord, dont l’Algérie, l’Égypte et la Mauritanie.

    5- Les parties au conflit en Libye: Plusieurs critiques ont été adressées à la conférence de Berlin pour ne pas avoir invité les deux parties au conflit libyen, premiers concernés par la résolution de la crise, mais il a été annoncé au dernier moment que Fayez al-Sarraj, président du Conseil présidentiel du gouvernement libyen internationalement reconnu, et le seigneur de guerre, Khalifa Haftar, ont été invités à participer à la conférence de Berlin.

    6- Organisations internationales: avec à leur tête les Nations Unies et leur mission en Libye, l’Union Européenne, l’Union Africaine, ainsi que la Ligue Arabe.

    ** Pays absents de la conférence de Berlin:

    1- Tunisie: Bien que ce soit le pays voisin le plus touché par la guerre en Libye, d’autant plus que les deux pays partagent près de 500 km de frontières, la Tunisie n’a pas été invitée à participer à la conférence, malgré l’insistance de la Turquie sur sa présence, et l’entretien de la chancelière allemande, Angela Merkel, avec le président tunisien, Kaïs Saïed, au cours duquel la chancelière a invité le président tunisien à visiter son pays sans participer à la conférence de Berlin, ce qui a incité l’ambassadeur de Tunisie à Berlin, Ahmed Blade, à exprimer « le grand étonnement et la surprise » de son pays face à la décision de « l’exclure » de la conférence.

    2- Qatar: Considéré parmi les pays qui soutiennent le gouvernement libyen d’entente nationale, et malgré l’insistance de la Turquie sur sa présence pour faire l’équilibre face aux pays soutenant Haftar et participant à la conférence de Berlin, le Qatar n’a pas été convié. Le ministre qatari des Affaires étrangères, Mohammed bin Abdul Rahman Al Thani, a expliqué que l’exclusion de son pays à de la participation à la conférence de Berlin peut être due à des considérations propres au pays hôte ou aux Nations Unies.

    Anadolou, 16 jan 2020

    Tags : Libye, Allemagne, Conférence de Berlin, Algérie, Tunisie, Turquie, Russie, France, Haftar, Tripoli,

  • Répondre aux aspirations de la jeunesse du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord

    Depuis quelques mois, les jeunes sont toujours plus nombreux à descendre dans les rues du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) pour réclamer l’amélioration de la gouvernance, de la transparence, des services publics, de l’environnement et des perspectives d’emploi.

    Si ces manifestations nous rappellent les « printemps arabes » de 2010 et 2011, c’est parce qu’elles en sont, pour de nombreux experts, la prolongation et qu’elles trouvent leur origine dans l’attente, trop longtemps insatisfaite, de véritables changements structurels dans la gouvernance économique et sociale. Mais tandis que les manifestations de 2010-11 ont été concomitantes à plusieurs chocs exogènes et endogènes (comme le brusque effondrement des prix du pétrole ou le déclenchement de conflits civils) qui ont bouleversé la région, les mouvements d’aujourd’hui ne doivent pas fatalement produire les mêmes effets déstabilisateurs. De fait, les troubles de l’année 2019 offrent à la région une occasion unique d’accélérer le déploiement de réformes porteuses de transformation et capables de libérer l’incroyable potentiel de l’un de ses meilleurs atouts : sa jeunesse et ses multiples talents. Et c’est exactement ce que la stratégie du Groupe de la Banque mondiale pour la région MENA cherche à obtenir.

    Toute évaluation de la situation des jeunes dans la région doit commencer par un rappel de statistiques qui donnent à réfléchir : deux tiers des habitants ont moins de 35 ans ; le chômage des jeunes (15-24 ans) dépasse les 25 % ; et pratiquement la moitié de ce groupe (40 %) est constitué de femmes, y compris de diplômées de l’enseignement supérieur. C’est d’ailleurs la seule région au monde où la probabilité de se retrouver au chômage augmente avec le niveau d’instruction, alors même que ses pays investissent généreusement dans le système public d’éducation, avec des dépenses médianes supérieures à la moyenne de l’OCDE. Clairement, l’utilisation du capital humain constitue un défi de taille. Tout comme le développement de ce capital : un enfant qui naît aujourd’hui dans un pays de la région MENA aura à 18 ans un niveau de productivité de 55 % inférieur à celui qu’il pourrait atteindre en bénéficiant d’une éducation et de soins de santé de qualité. Et, actuellement, près de 60 % des enfants ne savent pas lire couramment. Le cumul de ces handicaps est inquiétant.

    Face à la gravité de la situation, la Banque mondiale a lancé en 2019 sa stratégie élargie pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. S’appuyant sur celle de 2015, élaborée dans le sillage du Printemps arabe et des différents chocs connexes, la stratégie de 2019 entend créer des débouchés économiques pour les jeunes en axant les efforts sur l’amélioration du capital humain, le levier des technologies numériques et le développement de l’activité du secteur privé, y compris pour les jeunes entrepreneurs, en garantissant une concurrence libre et équitable sur les marchés des biens et des services.

    Le déploiement opérationnel de ces axes est désormais bien engagé. Nous venons de lancer un plan d’action pour le capital humain dans la région MENA, qui définit des objectifs ambitieux en termes d’amélioration de l’éducation, de la santé, de la protection sociale et de l’emploi. Ce plan régional est en train d’être décliné pays par pays. Nous sommes également déterminés à doubler les connexions internet haut débit et, face à leur rôle essentiel pour l’essor d’une nouvelle économie numérique, à généraliser les paiements décentralisés.

    Parallèlement à la mise en œuvre de cette stratégie élargie, nous nous employons à mieux comprendre l’étendue et la diversité des aspirations d’une jeunesse tout sauf monolithique. Ainsi, alors que notre vision pour la région repose sur un rôle plus prononcé du secteur privé dans la création d’emplois durables de qualité, des enquêtes récentes montrent que les jeunes de la région MENA souhaitent voir l’État continuer à jouer un rôle important dans la création d’emplois et la fourniture de biens et de services abordables (comme le logement), signe d’attentes fortes sur le plan de l’égalité des chances et des opportunités mais aussi de l’égalité de traitement. Comme la plupart de ces pays disposent d’une marge de manœuvre budgétaire limitée, il est cependant évident que le secteur public ne peut pas rester la solution de premier recours, ce qui oblige à s’intéresser de plus près au rôle optimal de l’État dans les économies du 21e siècle.

    Pour les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, défis et opportunités vont de pair. Mais tous disposent d’un atout exceptionnel : une jeunesse nombreuse et dynamique ! Dès lors, tout l’enjeu pour ces pays comme pour la communauté internationale tient en une question : comment exploiter au mieux ces incroyables énergies pour assurer une croissance inclusive et durable dans la région MENA et au-delà ?

    Anna Bjerde

    Directrice de la stratégie et des opérations de la Banque mondiale, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

    Banque Mondiale-Blogs, 13 jan 2020

    Tags : Afrique du Nord, MENA, Maroc, Tunisie, Libye, Algérie, Mauritanie,

  • La Libye vue d’Algérie

    Laurence Aïda Ammour*

    Lorsqu’en 2011, à l’instigation de la France, et en vertu de la résolution1973 du Conseil de sécurité de l’ONU, les forces de l’OTAN bombardent la Libye, l’Algérie s’oppose à cette intervention qu’elle considère comme le prélude à l’éclatement du pays et à une instabilité régionale incontrôlable.

    Dans un premier temps, l’Algérie affiche une position de neutralité et de non-ingérence dans les affaires intérieures de la Libye. Elle compte sur la feuille de route proposée par l’Union africaine (UA), acceptée par le régime libyen, prévoyant la cessation immédiate des hostilités, l’acheminement facilité de l’aide humanitaire, le lancement d’un dialogue entre les parties libyennes et le remplacement de Mouammar Kadhafi par son fils Saïf al-Islam en vue d’amorcer une transition politique. Maisla France refuse catégoriquement cette option.

    Bien que les relations d’Alger avec le leader libyen n’aient jamais été sereines, dans la mesure où il était un rival influent en Afrique subsaharienne et au Sahara, les autorités algériennes le soutiennent jusqu’au dernier moment. Après tout le régime libyen relevait de la même parenté idéologique et politique et demeurait un Etat autoritaire garantissant la stabilité au Maghreb et au Sahara. En mai 2011, Sadek Bouguetaya, membre du comité central du Front de Libération Nationale, est dépêché à Tripoli pour représenter l’Algérielors d’une « réunion de soutien des chefs de tribus à Kadhafi, durant laquelle il a clairement exprimé le soutien de son pays auguide libyen » et qualifié l’opposition de « pion des Occidentaux »[2].

    Quand Alger accueille certains membres de la famille Kadhafi, de nombreuses personnalités politico-militaires et tribales libyennes lui refusent un rôle dans le processus de sortie de crise. Mais vu son statut de puissance régionale, la participation de l’Algérie s’imposera d’elle-même.

    Après plusieurs mois d’attentisme, le pouvoir algérien se résout à reconnaître le Conseil National de Transition (CNT) créé le 27 février 2011[3], avec toutefois des réserves sérieuses sur cette entité faible qu’il considère comme une émanation d’Etats désireux de contrôler le processus de transition libyen.Pour Alger, le vide de pouvoir créé par l’effondrement de la gouvernance autoritaire ne peut pas être comblé par deux sources de légitimité antinomiques : celle issue des armes et celle d’un leadership auto-proclamé bénéficiant du soutien occidental et incapable de s’imposer comme sphère du pouvoir. Les relations algéro-libyennes s’enveniment encore quand le CNT accuse les autorités algériennes de livrer des armes, du carburant et de l’équipement militaire aux forces loyales au leader libyen.

    Vue d’Alger, l’intervention occidentale a entraîné la militarisation à grande échelle de la société libyenne et la déstabilisation en chaîne de toute la zone sahélo-saharienne. Les impératifs sécuritaires et stratégiques deviennent alors des éléments déterminants de la position algérienne. Alger doit en effet composer avec plusieurs Etats faibles ou inexistants ainsi qu’avec le djihadisme islamiste dans son voisinage immédiat. Ces nouvelles menaces vont conduire l’Algérie à renforcer considérablement la surveillance de ses frontières et à infléchir sa doctrine de non-intervention lorsque son intégrité territoriale et ses intérêts stratégiques seront directement menacés.

    En conséquence, Alger se fixe deux priorités : préserver sa sécurité nationale par l’endiguement du champ d’action terroriste, et sauvegarder l’unité de la Libye par le dialogue politique inclusif. Comme le dit l’ancien ambassadeur algérien Abdelaziz Rahabi : « C’est toute la différence entre le reste du monde et l’Algérie : nous sommes en faveur d’un accord politique entre toutes les parties parce que nous en serons les premiers bénéficiaires. Nous sommes les premiers à avoir besoin d’une Libye forte. »[4].

    Les autorités algériennes ont conscience que le territoire national sera affecté par les retombées sécuritaires de la guerre civile libyenne et de ses prolongements. La suite des événements confirmera les appréhensions de l’Algérie : fragilisation de la frontière algéro-libyenne longue de près de 1000 km ; explosion des trafics ; et champ libre pour l’installation et le transfert de djihadistes. L’enjeu pour l’Algérie est d’éviter que son territoire ne devienne la base arrière des milices libyennes et/ou de groupes terroristes, et ne soit submergé par les flux d’armes provenant des arsenaux libyens[5].

    En 2012 la frontière avec la Libye est fermée, alors que certaines milices chargées de sa surveillance sont affiliées à l’ancien Groupe islamique combattant libyen (GICL), dont des éléments avaient combattu durant la guerre civile en Algérie au côté du Groupe islamique armé (GIA), avant de se dissocier de ce dernier.

    Malgré l’échec du processus de transition qui avait engendré deux gouvernements rivaux, l’Algérie continue de prôner la réconciliation nationaleen dialoguant aussi bien avec les Frères musulmans (que l’Egypte et les Emirats arabes unis considèrent comme des terroristes) qu’avec des responsables ayant soutenu Kadhafi, mais excluant les entités terroristes comme Ansar al-Charia ou Da’ech qui rejettent tout processus électoral. “La diplomatie(…) de l’Algérie consiste à travailler avec et à exercer un effet de levier sur les factions libyennes non-djihadistes pour les empêcher de recourir à l’affrontement violent à ses frontières“[6].

    Pour Alger, la voie institutionnelle demeure la seule à même de stopper la propagation du jihadisme violent. En visite à Rome en 2015, le Premier ministre Abdelmalek Sellal réitère que“Faute d’accord politique entre toutes les parties, les groupes terroristes finiront par créer un abcès de fixation (…) la démarche est simple et consiste à aboutir à une solution politique inclusive (…) Le terrorisme peut être vaincu par la force, mais on a aussi besoin d’opérations de réconciliation pour l’éradique”[7].

    PRÉSERVER L’UNITÉ DE LA LIBYE

    Dans son environnement régional, l’Algérie a toujours eu une préférence pour les Etats forts et centralisés – qui vont de pair avec la stabilité autoritaire – au vide sécuritaire aspirant groupes terroristes locaux, combattants islamistes étrangers, trafiquants et mercenaires. L’enjeu est de contrer toute velléité de partition[8] et de combattre la fragmentation grandissante de la Libye, issue de légitimités concurrentes[9].

    L’Algérie est accoutumée à traiter avec ses voisins dans une position de leader régional reconnu, même si en coulisse elle a souvent tenté de contrôler certains acteurs non-étatiques, sans succès – par exemple Ansar-eddine au Mali[10]. Fondamentalement, ce qui inquiète Alger c’est l’absence d’interlocuteur étatique véritablement légitime. Comme l’explique en 2014 le ministre algérien chargé des Affaires maghrébines, Abdelkader Messahel : “L’Etat y est quasiment inexistant, contrairement à la Tunisie ou à l’Egypte. Lorsque vous [à savoir l’OTAN et les rebelles libyens]avez aboli le régime, vous avez aboli l’Etat ; c’était un effondrement de régime, pas un changement de régime. Et il n’y a pas eu d’efforts systématiques pour reconstruire l’Etat depuis la chute de Kadhafi“[11].

    Durant la première médiation de l’ONU entre parlementaires libyens à Ghadamès (septembre 2014), l’Algérie tente en vain de les convaincre de boycotter laChambre des représentants de Tobrouk (élue en juin 2014) et d’opter pour la formation d’un gouvernement d’unité nationale afin de poursuivre la transition bloquée deux mois plus tôt.

    Conformément à sa doctrine de politique extérieure en vigueur depuis l’indépendance[12], Alger défend le principe de non-interventionnisme militaire, de souveraineté territoriale et d’auto-détermination, comme au Mali ou en Libye, deux pays où elle encourage le dialogue politique inclusif et favorise la distribution d’une aide humanitaire sous l’égide de l’ONU et des organisations internationales. Elle tente de promouvoir cette vision chez ses partenaires au sein des organisations régionales, continentales (Union africaine) ou internationales (ONU, Ligue arabe). Mais cela exige d’avoir plusieurs fers au feu sans perdre la main sur des dossiers complexes dans lesquels interviennent de multiples acteurs dont l’action ne fait qu’aggraver la situation. Lorsqu’une nouvelle intervention militaire est envisagée par la France, l’Egypte, les Emirats Arabes Unis (EAU) et l’Italie, elle s’y oppose fermement, voyant dans cette perspective le risque d’un effondrement encore pire que celui de 2011.

    L’Algérie connaît bien la Libye. Les réseaux de l’ancien patron du DRS, Mohamed Médiène, qui fut attaché militaire à Tripoli dans les années 1970, sont encore actifs à la fois chez les partisans de Kadhafi et chez les opposants du leader déchu[13].

    La solution politique telle que la conçoit l’Algérie doit aller dans le sens de ses intérêts sécuritaires. Pour cela, elle orchestre des rapprochements politiques et communautaires à travers ses réseaux d’influence qui visent la mise en œuvre d’un processus de réconciliation nationale, une solution peu appréciée par certains acteurs internationaux. S’inspirant de l’accord appliqué à la crise malienne[14], Alger convie aussi des acteurs locaux non institutionnels. Parmi eux, les principales tribus de l’ouest (Warchafana, Ghaddaffa, Warfalla, al-Megharha), longtemps marginalisées pour leur loyauté à l’ancien régime. Leur rôle pourrait être décisif dans la formation d’un gouvernement d’unité nationale dans un pays où les institutions tribales jouissent d’un poids social formel et informel non négligeable et restent un facteur de stabilité. C’est aussi le cas de la tribu des Zintan, qui détenait Saïf al-Islam. Pour Alger, le fils de Mouammar Kadhafi, nommé chef du Conseil suprême des tribus libyennes en 2015, pourrait être une figure de la réconciliation.[15]En avril 2015, l’Algérie réussira même à convaincre les Libyens, toutes tendances confondues, à se parler de manière officieuse, lors d’une rencontre avec les partisans de l’ancien régime.

    Parallèlement, Alger collabore avec les représentants spéciaux successifs des Nations unies pour la Libye, en accueillant les négociations entre les différents partis politiques libyens sous l’égide de l’ONU.Elle reconnaît l’accord inter-libyen de Skhirat (Maroc), de décembre 2015, comme seule base de travail équitable.

    Associée aux cinq pays voisins de la Libye (Tunisie, Tchad, Niger, Soudan et Egypte), elle privilégie les actions émanant de la région. Ainsi, la reconstruction d’une armée nationale et l’unification des forces de police font l’objet d’un dialogue tripartite organisé par Alger, Le Caire et Tunis. Ce qui ne l’empêche pas d’être en désaccord avec l’Egypte qui soutient politiquementet militairement le général Haftar[16]. Notamment quand Le Caire demande une levée partielle de l’embargo sur les armes, en vigueur depuis 2011, et les EAU – ainsi que d’autres pays – violent cet embargo[17]. Dans un récent rapport, le Comité des experts de l’ONU chargé de contrôler l’embargo a indiqué enquêter sur l’implication possible des EAU dans le lancement en avril 2019 de missiles sur des unités fidèles à Tripoli.[18]

    Par ailleurs, l’assistance française à la coalition Haftar par l’envoi de conseillers, d’agents clandestins et de forces spéciales sur le terrain, indispose Alger qui craint que la France et ses alliés arabes ne gagnent en influence au Maghreb et au Sahel[19].

    SANCTUARISER LE TERRITOIRE NATIONAL

    Le 13 janvier 2013, le complexe gazier de Tinguentourine (In Amenas) est attaqué par le groupe “Signataires par le sang” de Mokhtar Belmokhtar. Ce groupe, implanté en Libye dès 2011, avait rallié à sa cause certaines brigades locales.

    Cette surprise stratégique a mis en lumière la vulnérabilité du territoire algérien pourtant bien quadrillé par l’Armée Nationale Populaire (ANP). Cette attaque de grande ampleur a ébranlé la politique jusque-là défensive de l’Algérie, démontrant que les djihadistes implantés dans les pays voisins avaient la capacité de frapper le cœur de l’économie algérienne. Jusqu’alors, habituée à lutter contre les menaces internes, essentiellement dans le nord du pays, l’Algérie a du étendre son champ d’action pour faire face aux menaces transnationales sur l’ensemble de son territoire. Elle a aussi contraint le commandement militaire à réévaluer le principe de non-intervention et à combiner diplomatie régionale et opérations militaires ponctuelles.

    – D’une part, en déployant des forces terrestres supplémentaires aux frontières algériennes appuyées par des forces aériennes (100 000 hommes au total), en fermant les points de passages vers la Libye et le Mali, et en exigeant un laissez-passer militaire pour l’entrée en Algérie.

    – D’autre part, en intervenant militairement hors de son territoire dès lors que son intégrité territoriale et ses intérêts étaient directement mis en cause. En mai 2014, Alger envoie 3 500 parachutistes conjointement aux forces spéciales françaises et américaines au sud du bassin de Ghadamès, “avec pour mission de traiter des positions potentielles des groupes terroristes, dans un rayon de 100 km”. Du côté libyen, l’opération se déroule avec l’aide du maréchal Haftar. Les commandos algériens ciblent Mokhtar Belmokhtar[20]. La zone d’intervention concernée correspond en effet à l’itinéraire emprunté par les djihadistes qui ont attaqué le site de Tiguentourine[21].

    Puis, quand son ambassade est menacée par le groupe de Mokhtar Belmokhtar au printemps 2014, les forces spéciales algériennes interviennent à Tripoli et déjouent la prise d’otages[22].

    En février 2019, l’Algérie redoute que la prise de contrôle du Fezzan et du champ pétrolier al-Charara par le maréchal Haftar ne soit le prélude à une offensive sur Tripoli, menaçant du même coup la zone située aux confins de l’Algérie, du Niger, du Tchad et du Soudan. Ces craintes sont confirmées en avril 2019 lorsque l’Armée Nationale Libyenne (ANL) entame son avancée sur Tripoli. Deux semaines plus tard, en guise d’avertissement, l’ANP effectue pour la première foisun exercice à balles réelles dans le secteur opérationnel nord-est d’In-Amenas, à quelques encablures de la frontière libyenne.

    CONTRECARRER LA MENACE HAFTAR

    En septembre 2018, Haftar accuse l’armée algérienne de mener des incursions sur le territoire libyen et menace d’exporter la guerre en Algérie[23]. Paradoxalement, “ces propos confortent la solution prônée par la diplomatie algérienne, soit une ‘solution politique’ inclusive (…). Ils offrent à la diplomatie algérienne un argument supplémentaire pour discréditer, du moins officieusement, le maréchal Haftar“[24].

    Alger sait bien que la légitimité de Haftar dépend surtout de ses soutiens étrangers[25], parce qu’il prétend mener la guerre aux terroristes – alors que des milices salafistes constituent une partie de ses troupes-, règne sur les terminaux pétroliers et contrôle près des trois-quarts du pays. Après son AVC en avril 2018, c’est Le Caire qui choisit son successeur, le général Abdessalam Hassi, en accord avec les EAU. Alger perçoit ainsi Haftar comme le dépositaire de la puissance égyptienne alors que l’Algérie craint de voir l’Égypte s’implanter dans l’Ouest libyen.

    Les EAU qui appuient l’avancée des troupes de Haftar vers Tripoli, se rangent du côté de l’Egypte et de la France, comme l’illustrent les propos du chef de la diplomatie émirienne: “Les groupes Islamistes et djihadistes se sont tous alliés pour soutenir Sarraj (à Tripoli)ce qui pose la question comme l’a déclaré Jean-Yves Le Drian récemment de l’ambiguïté qu’entretiennent certains groupes liés à l’islamisme politique avec des groupes djihadistes (…) Les EAU agiront toujours (…) avec des partenaires comme la France, qui partagent la même vision, afin de protéger au mieux les intérêts de la région et de ses peuples“[26].

    Après avoir admis le principe d’élections présidentielles pour décembre 2018 sur l’insistance du Président français (accord de la Celle-Saint-Cloud en juillet 2017, puis conférence de Paris en mai 2018), Haftar rejette tout cessez-le-feu lors de sa visite à Paris le 22 mai 2019. Le GNA fait de même considérant “cette guerre comme une lutte existentielle“[27].

    Sceptiques sur un agenda électoral jugé improbable et décidé unilatéralement par des acteurs extérieurs, l’Italie et l’Algérie accordent peu de crédit à cette solution. Alger considère que sans réconciliation nationale préalable, les élections se réduiraient à un processus technique formel, sans traiter les causes du conflit. Elles pourraient au contraire devenir un vecteur de polarisation, ainsi que le démontrent de nombreux exemples de scrutins en Afrique.

    L’Italie, ancienne puissance coloniale, a d’autres préoccupations : la réactivation des voies de migrations en Méditerranée qu’elle avait réussi à contenir au prix d’accords bilatéraux avec Kadhafi. Rome propose alors une autre conférence internationale à Palerme en novembre 2018 à laquelle l’Algérie participe.

    Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée algérienne, voit d’un très mauvais œil l’implication de la France aux côtés du maréchal Haftar, qui veut s’imposer par la force et, de facto, internationalise le conflit. Le soutien français est perçu comme une manœuvre de déstabilisation de l’Algérie visant à compromettre ses efforts de médiation. Aux yeux de Gaïd Salah comme des autres généraux algériens, la percée de Haftar menace sérieusement la Libye mais aussi la Tunisie. Paradoxalement, en soutenant Haftar, la France ne fait que “compliquer la lutte déjà ardue (qu’elle mène) contre la menace djihadiste dans la région“[28].

    Pour Alger, Haftar est le fossoyeur de l’accord inter-libyen de Skhirat (qu’il avait qualifié de caduc et avec lui le gouvernement de M. Al-Sarraj en décembre 2017), et l’obstacle principal à la médiation onusienne[29], pour justifier ses ambitions de restauration autoritaire[30].. Ce qui va à l’encontre de la stratégie algérienneconsistant “à faire barrage à toute entité qui chercherait à imposer la ‘stabilité’ dans l’Ouest libyen par la force militaire et par une politique d’exclusion“[31].

    QUELLES PERSPECTIVES ?

    On ne compte plus le nombre d’initiatives, de sommets, de conférences et de réunions initiées par les voisins de la Libye et les parrains étrangers qui cherchent une issue qui leur serait politiquement favorable et économiquement profitable. Du point de vue algérien, la somme de ces interférences politiques et militaires exacerbe les divisons locales et cristallise les rivalités inter-arabes et européennes[32]. L’escalade militaire actuelle ne fait qu’intensifier la livraison d’armement aux deux camps rivaux par les soutiens étrangers[33]. A tel point que l’ONU a récemment renouvelé l’embargo sur les armes[34]. Dans un tel contexte la stratégie algérienne est quasi inaudible.

    A l’heure où la contestation populaire algérienne a jusqu’ici réussi à modifier l’agenda politique, l’Algérie conservera-t-elle son statut de puissance régionale et par la même celui de médiateur dans la crise libyenne ? Quel pourra être le rôle de l’armée algérienne garante de la sécurité intérieure[35] ? Certes l’ANP est une armée professionnelle, moderne et puissante et ses capacités de renseignement sont importantes en matière de contre-terrorisme[36]. Mais encore faut-il qu’elle puisse poursuivre sa mission dans le cadre d’une transition politique pacifique et qu’elle accepte de se retirer de la sphère politique. Pour l’instant, il est illusoire de l’envisager. En “dirigeant sans gouverner” l’armée a toujours su se préserver des turbulences politiques et demeurer le véritable détenteur du pouvoir[37].

    *

    Un changement de régime en Algérie pourrait avoir une incidence sur le contrôle des frontières et sur la lutte contre les groupes djihadistes. Un repli sur les affaires intérieures pourrait bouleverser la donne au niveau de la géopolitique et de la sécurité régionales. En particulier au Sahel où Alger est très sollicitée et souvent incitée à s’investir militairement. L’enjeu n’est donc pas seulement intérieur, puisque les politiques extérieure et de défense restent le domaine exclusif des militaires et des services de sécurité. Mais les puissances étrangères seront prêtes à tout pour éviter la déstabilisation de l’Algérie. La France, l’Union européenne et les Etats-Unis savent que l’Algérie est un pays pivot dans la région, malgré leurs ingérences concurrentes en Libye : “rien ne se réglera au Sahel sans l’Algérie. On ne peut pas concevoir la paix et la stabilité de cette immense région sans l’Algérie (et son armée)(…) L’Algérie a joué un rôle positif quand elle a autorisé le survol de son territoire par des avions de guerre français, quand elle a livré de l’essence, quand elle a parrainé les accords d’Alger en 2015. (…)Pas plus l’Algérie que la France ne souhaitent que les troupes françaises s’éternisent dans la bande sahélo-saharienne. Il faut donc travailler à une collaboration plus active avec l’Algérie“[38].

    Il est trop tôt pour direquelle forme prendra la transition politique en Algérie et quelle place l’ANP occupera dans cette transition. Aujourd’hui, l’armée se retrouve l’arbitre de l’étape actuelle par la voie de son chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah, très contesté par les manifestants, qui se pose unilatéralement comme interlocuteur du « hirak ». Tout dépendra des rapports de force internes au sein de l’armée et des services de sécurité, et de la capacité de la société civile et des forces politiques à mettre en œuvre une stratégie de sortie de crise concertée et pacifique.

    [1]Une version de cet article est parue en italien en juillet 2019 sous le titre « L’Algeria vuole riunire la Libia » dans la revue LIMES, Rivista Italiana di Geopolitica, no. 6/2019, Rome, pp. 71-79.

    [2]José Garçon, “Le soutien trouble de l’Algérie à la Libye de Kadhafi “, Libération, 31 août 2011.

    [3]Adoubé “par la communauté internationale” selon l’expression consacrée, ainsi que par l’Union européenne, la Ligue arabe, l’ONU et l’Union africaine

    [4]Mélanie Matarese, « Alger sur tous les fronts pour la Libye », Middle East Eye, 29 janvier 2016.

    [5]Depuis 2011, des convois d’armes sont régulièrement interceptés par l’ANP et par la gendarmerie algérienne dans la région d’Illizi et dans le Tassili n’Ajjer ; voir “Libye : Tunis, Alger et Le Caire dénoncent les flux “continus” d’armes et de “terroristes”, TV5 Monde, 13 juin 2019 ; Jérôme Tubiana et Claudio Gramizzi, Lost in Trans-Nation, Tubu and Other Armed Groups and Smugglers along Libya’s Southern Border, Small Arms Survey, Genève, décembre 2018.

    [6]Jalel Harchaoui, Too Close for Comfort. How Algeria Faces the Libyan Conflict,Briefing Paper, Security Assessment in North Africa, Small Arms Survey, Genève, juillet 2018, p. 15.

    [7]“Sellal: Le temps est compté”, El Watan (Algérie), 28 mai 2015.

    [8]Le 6 mars 2012 est créé un Conseil provisoire de Cyrénaïque à Benghazi.

    [9]Laurence-Aïda Ammour, “La Libye en fragments”, Annuaire Français des Relations Internationales(AFRI), Vol. XIV, Paris, 2013, pp. 653-678.

    [10]Laurence-Aïda Ammour, “Algeria’s Role in the Sahelian Security Crisis”, Stability: International Journal of Security and Development, Ontario, Canada: 2(2), 28, 2013, pp. 1-11.

    [11]Cité par International Crisis Group, L’Algérie et ses voisins, Rapport Moyen-Orient et Afrique du Nord, n°164, 12 octobre 2015, p. 16.

    [12]L’article 26 des Constitutions de 1989 et 1996 stipule que “l’Algérie se défend de recourir à la guerre pour porter atteinte à la souveraineté légitime et à la liberté d’autres peuples. Elle s’efforce de régler les différends internationaux par des moyens pacifiques.”

    [13]Mélanie Matarese, op. cit : « En réalité, l’Algérie a entretenu de très bonnes relations avec la Libye dès la guerre de libération (1956-1962) (…) (Le pays) a servi de base logistique pour l’armement de l’est algérien. Certaines personnalités féodales entretenaient des liens avec les révolutionnaires. En grande partie parce que le roi Idriss Senoussi (roi de Libye de 1951 à 1969) était d’origine algérienne (par son grand-père, Mohammed ben Ali El-Senoussi, né près de Mostaghanem). Et puis les familles touarègues des deux côtés des frontières ont toujours été entremêlées. Si bien que les Algériens sont les seuls à pouvoir intervenir pour apaiser les tensions lors des affrontements entre les milices touarègues et les milices toubous dans le sud de la Libye. »

    [14]Il s’agit des pourparlers tenus à Alger entre legouvernement malien et les factions rebelles du nord, pour stabiliser le pays et empêcher la sécession du pays qui ont abouti aux accords d’Alger de 2015.

    [15]Laurence-Aïda Ammour, “Vers un retour en politique de Saïf Al-Islam Kadhafi ?”, Huffpost-Maghreb, 8 février 2018.

    [16]Laurence-Aïda Ammour, “In the Libyan conflict, Algiers stands up to France and Egypt”, Middle East Eye, 27 mars 2015.

    [17]Olivier Fourt, “Libye : un embargo de l’ONU violé sous le nez des marines européennes”, RFI,19 mai 2019 : “La France, qui perd à l’été 2016 trois membres de la DGSE en Libye, est forcée de reconnaître son implication dans le conflit aux côtés de (Haftar). Puis, c’est au tour de la Russie qui, en 2017, commence à fournir des pièces détachées de chasseurs Mig-23 (…) Encore récemment, des drones d’origine chinoise Wing Loong auraient conduit des missions dans la région de Tripoli. (…) Le 18 mai dernier une trentaine de véhicules blindés en provenance de Turquie sont arrivés au port de Tripoli“.

    [18]Conseil de sécurité : “La Libye sur le point de sombrer dans la guerre civile”, selon le Représentant spécial qui plaide pour un retour au processus politique, CS/13816, 21 mai 2019. Voir aussi “Libya arms embargo must be enforced – UN chief Antonio Guterres”, Al Jazeera, 11 juin 2019 ; “L’ONU renouvelle l’embargo sur les armes en Libye”, BBC Afrique, 11 juin 2019

    [19]Rappelons que les EAUont participé aux bombardements de l’OTAN.L’Egypte et les EAU avaient aussi bombardé la Libye en 2014 ciblant des positions tenues par des milices islamistes libyennes, notamment la coalition Fajr Libya, pour soutenir les forces du général Khalifa Haftar.

    [20]Akram Karief, “L’Algérie a commencé les opérations commando”, El Watan(Algérie), 6 juin 2014.

    [21]Cette opération n’a jamais été reconnue officiellement par le gouvernement algérien, de crainte qu’elle ne soit perçue par l’opinion publique comme un alignement de l’Algérie sur l’agenda militaire occidental.

    [22]Il s’agissait de prendre en otage le personnel de l’ambassade et de l’échanger contre les trois terroristes faits prisonniers lors de l’opération de Tiguentourine.

    [23]“Libye : réactions de colère en Algérie après les menaces de Haftar”, Middle East Eye, 9 septembre 2018; Abla Chérif, “Qui manipule la carte Haftar ?”, Le Soir d’Algérie,11 septembre 2018.

    [24]Lynda Abbou, “Raouf Farrah décrypte les motivations du Maréchal Haftar et la situation en Libye”, Maghreb Emergent, 11 septembre 2018.

    [25]Egypte, EAU, France, Russie et Arabie saoudite. Pour le GNA : Turquie et Qatar.

    [26]Interview de Anwar Gargash, “Notre solution pour la Libye”, Le Journal du dimanche, 18 mai 2019.

    [27]Claudia Gazzini, pour l’International Crisis group, “Libya’s warring rivals in ‘existential fight’ for Tripoli. Forces locked in stalemate at the gates of the city”, AFP, 4 juin 2019.

    [28]Jean-Pierre Filliu, “Déjà deux mois de nouvelle guerre civile en Libye”, Le Monde, 2 juin 2019.

    [29]Conseil de sécurité : “La Libye sur le point de sombrer dans la guerre civile”, CS 21 mai 2019; Lisa Watanabe, UN Mediation in Libya: Peace Still a Distant Prospect,CSS Analysis in Security Policy, no. 246, juin 2019.

    [30]Antoine Malo, Interview du maréchal libyen Khalifa Haftar : “Nous sommes aux portes de Tripoli et nous continuons d’avancer”,Le Journal du Dimanche, 29 mai 2019.

    [31]Jalel Harchaoui, op. cit.

    [32]Karim Mezran et Arturo Varvelli, Foreign Actors in Libya’s Crisis, ISPI-The Atlantic Council, Milan, juillet 2017.

    [33]“Libya: Haftar forces launch airstrike near Tripoli”, Middle East Monitor, 9 juin 2019.

    [34]“L’ONU renouvelle l’embargo sur les armes en Libye”, BBC Afrique, 11 juin 2019.

    [35]Depuis la démission du Président Bouteflika, l’armée et le renseignement militaire ont repris la main sur les services de renseignement qui avaient été accaparés par la Présidence.

    [36]Laurence-Aïda Ammour, “Algeria”, The Military Balance, The International Institute for Strategic Studies, Londres, 2014, pp. 307-313.

    [37]Selon le mot de Steven A. Cook, Ruling but not Governing. The Military and Political Development in Egypt, Algeria and Turkey, John Hopkins University Press, Baltimore, 2007.

    [38]Compte-rendus de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, Paris, avril 2018.

    *Sociologue et analyste en sécurité et défense pour l’Afrique du Nord-Ouest, associée au Centre d’études stratégiques de l’Afrique (Washington D.C.), au Groupe d’analyse JFC-Conseil (France) et membre de la communauté du Centre des hautes études de Défense et de Sécurité (Dakar, Sénégal)[1].

    Centre de Recherche sur le Renseignement, sept 2019

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