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  • Zemla, 17 juin 1970 : le début de la fin pour l’occupation espagnole du Sahara occidental

    Par Fernando Llorente

    Que l’Espagne ait falsifié la réalité en faisant du Sahara la 53ème province de l’État, n’était qu’un symptôme de ce qu’elle n’avait pas l’intention de se conformer au mandat de l’ONU : initier un processus de décolonisation, aboutissant à un référendum d’autodétermination. Dans la conscience de jeunes Saharaouis comme Salama Mami, Sidi Lebsir, Abdelmaj Haid, Salem Lebsir et Brahim Gali (aujourd’hui président de la RASD et secrétaire général du Front Polisario), la nécessité de  » faire quelque chose  » a pris forme et l’urgence de le faire a accéléré leur rythme cardiaque.

    Le sentiment de nécessité et d’urgence manquait d’une vision claire des actions à entreprendre et des stratégies qui mèneraient à leur succès. Un jour, fin 1968, Mohamed Bassiri est arrivé au Sahara.

    Il avait étudié le journalisme au Caire et à Damas, où il avait également acquis une solide formation juridique, appliquée notamment aux

    mouvements de libération. En 1968, il travaillait à la rédaction d’un journal marocain. En réponse à un article publié dans un autre journal, dans lequel l’auteur défendait la « marocanité » du Sahara, fit valoir, dans un autre article de son journal, que le Sahara appartenait aux Sahraouis. Cette édition du journal a été saisie sur ordre du gouvernement et Bassiri a quitté le Maroc.

    Il arriva à Smara et rencontra bientôt les cinq jeunes hommes prêts à commencer la bataille pour l’indépendance de leur peuple. Les connaissances et le savoir-faire de Bassiri, qui dirigea la formation et les premières actions de ce qu’on appela le Mouvement d’avant-garde pour la libération de Saguia El Hamra et Rio de Oro, furent reconnus.

    Le 13 février 2007, trois jours après mon arrivée dans les camps de réfugiés, je me suis rendu au verger de la wilaya de Dakhla par un après-midi très chaud avec de nombreuses mouches. À l’intérieur d’une grande benne fermée, comme une immense conteneur, qui abritait le bureau, m’attendait le gouverneur de l’époque de la wilaya de, Salem Lebsir, l’un de ces cinq jeunes qui avaient allumé la flamme de la révolution. Voici un extrait de ce qu’il m’a raconté :

    « Quand Bassiri est arrivé au Sahara, à la fin de 1968, il a trouvé un terrain fertile, nuit après nuit, pour faire pousser l’ arbre de revendication qui porterait le fruit de l’indépendance. Une chose était claire pour nous : sans lutte, les racines allaient pourrir. L’Espagne n’était pas en mesure de remplir les mandats de l’ONU, et l’ONU ne disposait pas non plus des ressources nécessaires pour les faire respecter. Une de ces soirées, nous nous sommes réunis avec 12 ou 13 personnes, avec qui nous jouions parfois aux cartes ou aux dominos. Ils avaient diverses occupations: chauffeurs, maçons, policiers, nomades, etc. Nous avons discuté. La conclusion était qu’il fallait « faire quelque chose ». Bassiri, plus âgé que nous, et plus éduqué, a compris que le moment n’était pas encore venu, et a recommandé la patience.

    Il a fait valoir qu’il existait au Sahara des services de renseignement, qui pouvaient mettre au courant les autorités espagnoles.

    D’autre part, que les Sahraouis ne le comprendraient pas entièrement ni bien, en l’absence de la prise de conscience et de la sensibilisation nécessaires, entreprise par laquelle il fallait commencer. Et que nous n’avions pas nous-mêmes l’organisation ou les moyens d’agir et, le cas échéant, de nous défendre. Nous ne pouvions pas, et nous ne devrions pas, passer à l’action sans plus. Nous risquions une imprudence, avec toutes les conséquences fatales probables.

    Ce fut l’argumentation de Bassiri. Nous étions tous d’accord. Nous n’avions pas de plan d’action, mais nous avions la volonté de mettre en place tous les moyens pour en avoir un. Enfin, face à notre résolution, Bassiri a accepté de prendre la tête de ce qui allait devenir le Mouvement d’avant-garde pour la libération de Saguia El Hamra et de Rio de Oro. Il avait 27 ans.

    Une nuit, après trois heures du matin, nous nous sommes solennellement engagés, par serment, notre main droite sur le Coran : nous défendrions l’intégrité de notre territoire. Nous ne l’abandonnerions jamais. Nous maintiendrions toujours notre unité. Nous donnerions notre vie pour l’indépendance du Sahara…

    Nous avons diffusé notre vision de la situation réelle au plus grand nombre possible de Sahraouis. À cette fin, les militants se sont répartis dans divers points du territoire. Nous avons rencontré les représentants de la communauté, qui la convoquaient en assemblée. Nous avons ainsi apporté l’information à Smara, Daora, Ausserd, Hagounia, Haoussa…. Les Sahraouis étaient très réceptifs aux propositions de lutte et de résistance. En peu de temps, nous étions 4 000 conjurés.

    Afin de gagner du temps et de ne pas perdre du terrain, la Direction a envoyé au gouverneur général espagnol du Sahara la revendication, selon laquelle le gouvernement espagnol devrait s’engager à l’indépendance du Sahara, après une période de 15 à 20 ans d’autonomie supervisée par l’Espagne, pendant laquelle les Sahraouis seraient formés à la prise en charge de leur pays, comme étape préliminaire à la tenue du référendum sur l’autodétermination.

    Quinze jours après la remise du document, le 17 juin 1970, une réunion festive s’est tenue à Zemla, un quartier d’El Ayoun, organisée par les autorités espagnoles, avec l’aide des chioukh (chefs de tribu). Il s’agissait de célébrer l’anniversaire de la proclamation du Sahara comme 53ème province espagnole. Le délégué du gouvernement a demandé à s’entretenir avec un responsable du Mouvement. Nous nous trouvions quelque part dans les environs. On lui a répondu que tout ce que nous avions à dire était consigné dans le document et que nous attendions une réponse écrite avant toute rencontre personnelle. Le délégué du gouvernement est revenu avec un message du Gouverneur général : le gouvernement espagnol consentait à l’existence du Mouvement, et répondrait plus tard à ses demandes, mais à ce moment-là, il serait très heureux de compter ses dirigeants parmi les participants à la célébration. Le représentant du Mouvement dans cette ville a renouvelé le refus, dans les mêmes termes.

    Dans l’après-midi du même jour, ce sont les chioukh qui sont venus nous voir pour nous proposer de nous adresser à la population. Nos représentants s’y sont opposés avec résolution. Ils sont repartis, mis en déroute dans ce qui était très probablement une tentative, induite par les Espagnols, de tromper la base, car ils n’avaient pas réussi avec les dirigeants.

    Les deux voitures dans lesquelles ils étaient arrivés ont repris le chemin du retour. Ils ont été remplacés par quatre véhicules de la Police Territoriale en ordre de bataille. La population s’est précipitée vers les voitures, tout en jetant des pierres. L’une des pierres a frappé le commandant au visage, qui a immédiatement tiré avec son pistolet. Il a tué un Sahraoui et en a blessé un autre. Face à l’impossibilité de contenir la marée humaine, la police a choisi de se retirer. Il fallait plus de forces. Ou d’autres.

    Immédiatement après, des troupes du troisième Tercio (bataillon) Jean d’Autriche de la Légion sont apparues sur les lieux, tuant deux Sahraouis et en blessant beaucoup d’autres dans l’affrontement. Beaucoup d’autres sont tombés pendant qu’ils attaquaient les maisons, les fouillaient, les détruisaient. Ils ont emmené des prisonniers pour les interroger, afin de connaître les noms des principaux dirigeants du Mouvement et de les localiser.

    Certains de nos chefs de poste ont pu s’enfuir, mais nous, les membres de la direction, avons tous été arrêtés. Les prisonniers ont alors été libérés. Ils nous ont emmenés au poste de police d’El Ayoun. Un policier ami nous a informés de notre sort : chacun d’entre nous serait transféré dans un détachement, où nous serions confinés pendant 10 ans.

    Mon lieu d’exil était Ausserd. J’y ai passé presque un an et demi. Chaque matin et chaque après-midi, je me présentais pour signer devant le sous-délégué du gouvernement. Les autres dirigeants du Mouvement ont vécu les mêmes péripéties dans les autres villes. Un an et demi plus tard, la peine a été levée. Sauf pour Bassiri, qui n’a pas été libéré. À ce jour, personne ne sait rien de lui. Aucune information n’a jamais été fournie sur sa mort ou sur l’endroit où il se trouvait.

    Peut-être les autorités espagnoles pensaient-elles qu’une fois la tête disparue, le Mouvement serait démembré. Ils ont fait une erreur. Réunis à nouveau, nous avons renouvelé notre serment de lutter jusqu’à mort pour l’indépendance du Sahara. La disparition de Bassiri a été la force qui a maintenu l’élan. L’émergence d’un autre jeune homme, El Wali Mustafa Sayed, a transformé le Mouvement d’avant-garde pour la libération de Saguia El Hamra et Rio de Oro en Front de libération de Saguia El Hamra et Rio de Oro, le Front Polisario ».

    C’était le 10 mai 1973. L’invasion marocaine du Sahara occidental le 30 octobre 1975 et l’abandon immédiat de l’Espagne ont précipité une fin qui a commencé le 17 juin 1970.

    Extrait du livre Heridas y Bálsamos, de Fernando Llorente

    Tags : Sahara Occidental, Front Polisario,  Sidi Mohamed Basiri, Zemla, 17 junio 1970,

  • 17 de Junio de 1979 : Zemla, el principio del fin

    Por Fernando Llorente

    Que España hubiera falseado la realidad convirtiendo el Sahara en provincia del Estado, la 53, no era sino un síntoma de que no albergaba la menor intención de cumplir con el mandato de la ONU de iniciar un proceso de descolonización, que culminara en un referéndum de autodeterminación. En las conciencias de jóvenes, como Salama Mami, Sidi Lebsir, Abdelmay Haid, Salem Lebsir y Brahim Gali (hoy Presidente de la RASD y Secretario General del Frente Polisario) fue tomando cuerpo la necesidad de “hacer algo”; y la urgencia de hacerlo aceleró los latidos de sus corazones.

    La necesidad y la urgencia carecían de una visión clara de las acciones a emprender, y de las estrategias que las llevaran al éxito. Un día, a finales de 1968, llegó al Sahara Mohamed Basiri.

    Había cursado estudios de periodismo en El Cairo y Damasco, donde adquirió, además, una sólida formación jurídica, especialmente aplicada a los movimientos de liberación. En 1968 trabajaba en la redacción de un periódico marroquí. En respuesta a un artículo publicado en otro diario, en el que el autor defendía la marroquinidad del Sahara, Basiri argumentó, mediante otro artículo en su periódico, que el Sahara pertenecía a los saharauis. Aquella edición del periódico fue secuestrada por orden gubernativa, y Basiri abandonó Marruecos.

    Llegó a Smara, y no tardó en encontrarse con los cinco jóvenes dispuestos a iniciar la batalla por la independencia de su pueblo. Pronto fueron reconocidos el saber y el saber hacer de Basiri, que dirigió la formación y primeras acciones del que se denominó Movimiento de Vanguardia para la Liberación de Saguia El Hamra y Río de Oro.

    El día 13 de febrero de 2007, tres días después de mi llegada a los campos de refugiados, acudí, una tarde de mucho calor y muchas moscas, a la huerta de la wilaya Dajla. En el interior de un gran volquete cerrado, a modo de enorme contenedor, que albergaba la oficina, me esperaba el, por entonces Gobernador de la wilaya, Salem Lebsir, uno de aquellos cinco jóvenes, que encendieron la llama de la revolución. Hago un extracto de lo que me contó:

    “Cuando Basiri llegó al Sahara, a finales de 1968, se encontró con un terreno abonado, noche a noche, para que en él creciera el árbol de la reivindicación, que diera el fruto de la independencia. Algo sí teníamos claro: sin lucha se pudrirían las raíces. España no estaba por la labor de cumplir los mandatos de la ONU, ni la ONU contaba con los recursos para hacerlos cumplir. Una de aquellas noches nos reunimos con 12 o 13 personas, con quienes a veces jugábamos a cartas o dominó. Tenían distintas ocupaciones: conductores, albañiles, policías, nómadas, etc. Debatimos. La conclusión fue que “algo había que hacer”. Basiri, mayor que nosotros, y con más formación, entendió que no era el momento, y recomendó paciencia.

    Argumentó con que en el Sahara existían Servicios de Información, que podían poner al corriente a las autoridades españolas.

    Por otro lado, que los saharauis no lo entenderían ni del todo ni bien, a falta de la necesaria concienciación y sensibilización, empresa por la que habría que comenzar. Y que nosotros mismos no contábamos con una organización ni con medios para actuar y, llegado el caso, defendernos. No podíamos, ni debíamos pasar a la acción, sin más. Incurriríamos en una imprudencia, con toda probabilidad de consecuencias fatales.

    Así argumentó Basiri. Todos mostramos nuestro acuerdo. No teníamos un plan de acción, pero sí la voluntad de poner todos los medios para tenerlo. Basiri, al fin, ante nuestra resolución, accedió a ponerse al frente de lo que estaba a punto de ser el Movimiento de Vanguardia para la Liberación de Saguia El Hamra y Río de Oro. Tenía 27 años.

    Una noche, pasadas las tres de la madrugada, nos comprometimos solemnemente, mediante juramento, la mano derecha sobre el Corán: defenderíamos la integridad de nuestro territorio. Nunca lo abandonaríamos. Siempre mantendríamos nuestra unidad. Daríamos nuestra vida por la independencia del Sahara…

    Difundimos la situación real al mayor número posible de saharauis. Para ello, los militantes nos repartimos por los distintos puestos del territorio. Nos reuníamos con los representantes de la comunidad, que la convocaban en asamblea. Así llevamos la información a Smara, Daora, Ausserd, Hagunia, Hausa…Los saharauis fueron muy receptivos a las propuestas de lucha y resistencia. En poco tiempo, éramos 4000 conjurados.

    Con el fin de ganar tiempo y no perder terreno, la Dirección hizo llegar al Gobernador General del Sahara la reivindicación, según la cual el Gobierno español debería comprometerse con la independencia del Sahara, tras un periodo de 15 a 20 años de autonomía tutelada por España, tiempo en el que los saharauis serían capacitados para hacerse cargo de su país, como paso previo a la celebración del referéndum de autodeterminación.

    Quince días después de la entrega del documento, el 17 de junio de 1970, se celebró en Zemla, un de El Aaiún, un encuentro festivo, organizado por las autoridades españolas, con asistencia chiuj (Jefes de Tribu). Se conmemoraba un aniversario de la provincia número 53. El Delegado Gubernativo, solicitó hablar con algún responsable del Movimiento. Nos encontrábamos en un lugar cercano. Se le transmitió que todo lo que teníamos que decir estaba escrito en el documento cursado, y que no aceptábamos sino una respuesta por escrito, antes de cualquier encuentro personal. Regresó el Delegado Gubernativo con un encargo del Gobernador General: el Gobierno español consentía la existencia del Movimiento, y daría más tarde respuesta a sus reivindicaciones, pero que en aquel momento tendría mucho gusto si contara con sus dirigentes entre los participantes en la celebración. El representante del Movimiento en aquella ciudad renovó la negativa, en los mismos términos.

    En la tarde de ese mismo día, fueron los chiuj quienes se acercaron a nosotros con el propósito de dirigirse a la población. Nuestros representantes se lo impidieron con resolución. Se marcharon, derrotados en lo que con toda probabilidad fue un intento, inducido por los españoles, de engañar a las bases, ya que no lo habían conseguido con los mandos.

    Los dos coches en los que llegaron tomaron el camino de vuelta. Les sustituyeron cuatro vehículos de la Policía Territorial en orden de combate. La población se abalanzó hacia los coches, al tiempo que lanzaba piedras. Una de las piedras acertó en la cara del comandante al mando, quien de inmediato disparó con su pistola. Mató a un saharaui e hirió a otro. Ante la imposibilidad de contener la avalancha humana, la policía optó por retirarse. Eran necesarias más fuerzas. U otras.

    Enseguida aparecieron en el lugar efectivos del Tercio Juan de Austria, que mataron a dos saharauis e hirieron a otros muchos en el enfrentamiento. Cayeron muchos más, en tanto allanaban los domicilios, los registraban, los destrozaban. Se llevaron prisioneros, con el fin de interrogarles, en busca de los nombres y localizaciones de los máximos responsables del Movimiento.

    Algunos jefes de puesto pudieron huir, pero a los miembros de la Dirección nos detuvieron a todos. Entonces, liberaron a los prisioneros. Nos condujeron al cuartel de la policía en El Aaiún. Un policía amigo nos informó de cuál sería nuestra suerte: cada uno de nosotros seríamos trasladados a un destacamento, donde permaneceríamos confinados durante 10 años.

    Mi lugar de destierro fue Ausserd. Allí pasé casi un año y medio. Cada mañana y cada tarde me presentaba a firmar ante el Subdelegado Gubernativo. Los demás dirigentes del Movimiento vivieron igual peripecia en otras tantas ciudades. Al cabo de año y medio, se nos levantó el castigo. Menos a Basiri, que no fue puesto en libertad. Hasta el día de hoy nadie sabe nada de él. Nunca se ha facilitado información ni sobre su muerte ni sobre su paradero.

    Quizá pensaron las autoridades españolas que, desaparecida la cabeza, se desmembraría el Movimiento. Se equivocaron. Reunidos de nuevo, renovamos el juramento de luchar hasta la muerte por la independencia del Sahara. La desaparición de Basiri fue la fuerza que mantuvo el impulso. La aparición de otro joven, El Uali Mustafa Sayed, supuso la transformación del Movimiento de Vanguardia para las Liberación de Saguia El Hamra y Río de Oro en el Frente de Liberación de Saguia El Hamra y Río de oro. El Frente Polisario”.

    Fue el 10 de mayo de 1973. La invasión, por parte de Marruecos, del Sahara Occidental, el 30 de octubre de 1975, e inmediato abandono de España, precipitaron un final, que había tenido su principio el 17 de junio de 1970.

    (El relato completo forma parte de mi libro “Heridas y bálsamos”)

    Fuente : El Faradio, 17 junio 2018

    Tags : Sahara Occidental, Frente Polisario, Sidi Mohamed Basiri, Zemla, 17 junio 1979,