Un 14 juillet révélateur (I)

Le 1er août 1960, la France conservait encore une partie de ses conquêtes territoriales en Afrique. Dix-sept jours plus tard, la grande France coloniale était réduite en cendres, suite à la naissance, en deux semaines, de huit nouveaux pays, qui ces jours-ci fêtent leur indépendance. C’était le bouillonnement qui annonçait la fin d’une époque… ou peut-être pas ? GuinGuinBali entame une série de trois chapitres à travers laquelle elle effleure les relations épineuses entre la France et ses ex-colonies durant les cinquante dernières années. L’Afrique est-elle vraiment libre ?
Il y a trois semaines, Paris fêtait son 14 juillet. Cette année ont défilé, sous une pluie persistante et invités par le Président Sarkozy, les troupes de 13 pays africains, en commémoration de leurs 50 années d’indépendance. L’image surprenante, qui a fait le tour du monde et causé l’indignation de la plupart des Africains, a été celle des leaders africains avec le Président français. Comme disait dernièrement Alain Pierre, “ceux qui furent exploités le célèbrent dans la maison de l’intrus”.
Le jeune Sénégalais Ndiawar Seck, leader du groupe musical Chapa Choly, a son opinion propre à ce sujet. “Presque tous étaient là-bas avec le président français. Il y avait des criminels, des assassins, des corrompus”, affirme-t-il. Entre autres se trouvait Idriss Déby (Tchad, 20 ans à la barre d’un pays noyé dans la guerre et la corruption), Blaise Compaoré (Burkina Faso, 23 ans comme président après avoir assassiné son prédécesseur), Paul Biya (Cameroun, 18 ans à la présidence), Faure Gnassingbé (Togo, 5 ans au pouvoir, ajoutés au 25 de son père) et Abdoulaye Wade (Sénégal, 10 ans au pouvoir, et en train de préparer le chemin de la relève à son fils Karim).
Mais ce qui plus offense et dérange Seck, tout comme beaucoup de jeunes, c’est l’image de la soumission des leaders africains qui, à son sens, ne représentent pas le continent. “L’Afrique n’a pas besoin d’aide, mais de liberté ; elle n’a pas besoin de coopérants, mais de présidents qui croient en elle”, a dit Seck. “Pourquoi allons-nous oublier le passé colonial, si ce qu’ont vécu nos grands-parents nous le vivons aussi, mais autrement ? Nous pouvons pardonner, mais pas oublier”, ajoute-t-il.
Le 1er août 1960, la France conservait toujours une bonne partie de ses colonies en Afrique. Seulement 17 jours plus tard, elle les avait perdues presque toutes. Nous fêtons désormais le 50e anniversaire de ces deux semaines qui ont secoué ce continent. En ces deux semaines, huit colonies se sont déclarées indépendantes de Paris pour naître en huit nouveaux pays : le Bénin, le Niger, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Tchad, la République Centrafricaine, la République du Congo et le Gabon.
Les colonies restantes sont tombées dans les mois suivants. Maintenant, la question que tout le monde se pose, celle que se posent Alain Pierre, Ndiawar Seck et tant d’autres, est la suivante : “Ont-ils vraiment atteint l’indépendance ?” Et la réponse n’est pas du tout claire. “On ne peut pas parler d’indépendance si aujourd’hui nos jeunes meurent en pleine mer pour arriver en Europe”, rétorque Seck.
Il y a une infinité de données qui révèlent que la France exerce toujours un poids et une influence décisives sur la majeure partie de ses ex-territoires d’Outre-mer, ce qui n’est pas le cas pour d’autres ex-puissances coloniales. Seul le fait que ces pays fonctionnent toujours avec une monnaie – le Franc CFA – dont les réserves sont gardées à Paris, nous donne une idée du fonctionnement des choses. Cette monnaie, née en 1945 et baptisée Franc des Colonies Françaises, existe toujours et survit, de nos jours, dans 14 pays africains (12 ex-colonies françaises, plus la Guinée Équatoriale et la Guinée Bissau).
Actuellement, le CFA maintient un type de change fixe par rapport à l’Euro, monnaie par rapport à laquelle il est évalué, depuis que le Franc Français n’existe plus. C’est le Trésor français qui garantit sa convertibilité et c’est là aussi où l’on garde 65 % de ses réserves. En contrepartie, les autorités françaises participent à la définition de la politique monétaire des deux zones de la France (Ouest et Centre), où est en vigueur le franc CFA. Est-ce ça l’indépendance ?
Ce contrôle économique n’est que la face la plus visible de ce qui a été dénommé Françafrique. Ce terme a d’abord été adopté par le président de Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, en 1955, pour faire appel à la relation privilégiée entre la France et ses colonies. Dans son discours, ce mot portait un sens positif.
Cependant, le fondateur de l’ONG française Survie, François-Xavier Verschave, lui a donné un sens tout à fait différent dans son livre La Françafrique, Le plus long scandale de la République (Stock, 1998), dans lequel il définissait la Françafrique comme “la criminalité secrète existant entre les hautes sphères de l’économie et de la politique françaises, où se cache une espèce de République sous-terraine.
Guiguinbali, 8/8/2010

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